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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ait raccroché au nez, Julianna resta
     quelques secondes à écouter le bruit nasillard de la ligne. Comme elle ne
     voulait pas que son frère Georges se rende compte de quoi que ce soit, elle
     feignit de continuer à converser au téléphone.
    — Bon ben, j’ai bien hâte que tu reviennes… Oui. Tout va bien à la maison.
     Laura se débrouille… C’est ça, tu reprends le train après-demain ; avec Pierre ;
     je suis bien contente… au revoir là… Oui, je vais lui dire.
    Affectant la bonne humeur, elle passa à côté de son frère.
    — François-Xavier te fait dire toutes ses amitiés.
    Georges releva la tête et suivit Julianna qui alla s’enfermer dans la chambre
     de visite.
    « Ben oui, certain… », se dit-il sans croire un seul mot de sa sœur.

Été 1951

    Q
u’est-ce qui lui avait passé par la tête s’inscrire à
     ce concours ? Elle était folle, complètement folle ! Les yeux au plafond, Yvette
     n’arrivait pas à trouver le sommeil. À côté d’elle, Hélène dormait depuis
     longtemps. Nerveuse, elle remettait en question ces trois dernières années.
     Aurait-elle dû rester à Saint-Ambroise et épouser Gustave Deschênes ou un autre
     bon parti ? Non, non, elle avait bien fait de rester à Montréal et de ne pas
     repartir avec son père. Pourtant, elle se sentait si nostalgique ce soir. Sa
     mère lui manquait. Demain, demain c’était le concours. Elle avait envie de
     prendre un train et de s’en retourner auprès des siens. Elle devait être
     fatiguée. Elle travaillait si fort. À quoi s’était-elle attendue ? Que Montréal
     tout entier n’attendait que sa venue ? Elle avait vraiment cru que cela aurait
     été plus facile, de devenir une chanteuse. C’était ridicule. Elle allait tout
     abandonner, oui voilà, elle ne se présenterait pas à l’audition, elle allait
     retourner chez ses parents, oublier toute cette histoire de chanteuse et de
     carrière. Elle avait consacré chaque sou, chaque heure de liberté à son rêve, et
     pourquoi ? Cela ne pouvait être pour rien. Cela devait aboutir. C’était
     maintenant ou jamais. Si elle ne se démarquait pas à ce concours, elle
     abandonnerait. C’était la dernière chance qu’elle se donnait. Elle aidait à la
     pension de sa tante, qui la logeait gratuitement en échange d’un peu de ménage
     et des repas qu’elle préparait. En plus, elle s’était déniché un emploi à
     l’usine deLucienne. Avec son salaire, elle avait pu, ainsi,
     suivre des cours particuliers de diction. C’était le conseil de sa mère. Jamais
     elle ne percerait si elle ne perdait pas son terrible accent saguenéen. Elle
     avait épluché les petites annonces du journal et avait trouvé ce qu’elle
     cherchait. « Madame Bourget offre des cours particuliers de chant, pose de voix,
     diction et théâtre, professeur qualifié. » Madame Bourget avait plissé le nez en
     la recevant dans ses deux pièces et demie.
    — Je ne forme que les plus grandes, ma chère, je ne fais pas de miracles.
     Retournez dans votre campagne.
    — Mais madame Bourget, je, j’suis prête à faire tout ce que vous voulez…
    Passant devant son miroir, la femme, portant une robe de soirée qui jurait avec
     la pauvreté du logement, se remit lentement du rouge à lèvres, un rouge si
     criard qu’Yvette eut l’impression que la femme avait la bouche en sang quand
     celle-ci se retourna vers elle, la jaugeant froidement.
    — Tournez-vous un peu, exigea-t-elle.
    Yvette obéit timidement.
    — Hum… Au moins, vous êtes jolie, c’est déjà un début, mais je ne fais pas de
     miracles, répéta-t-elle. Chantez-moi quelque chose.
    Sous les yeux de madame Bourget, Yvette se sentit minable. Elle ne pouvait
     toujours bien pas repartir : c’était le seul professeur que son budget lui
     permettait. Elle s’exécuta, interprétant une chanson française. À peine
     avait-elle entamé le premier couplet que madame Bourget la fit taire. Sur le
     dessus de la commode, la femme prit un éventail aux drôles de dessins.
    — Ah ! être une femme qui vieillit n’est pas un cadeau, se plaignit-elle en
     s’éventant, souffrant visiblement de chaleur quand pourtant, il faisait frais
     dans la pièce.
    Devant l’air ahuri d’Yvette, elle ajouta :
    — Quand vous aurez mon âge, vous comprendrez. Maintenant, vous
     êtes chanceuse que j’aie un peu de temps libre devant moi et que je sache
     percevoir le talent même quand il se

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