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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Cette composition, il l’avait gardée
     jalousement, croyant ne jamais pouvoir la partager. Enfin, on lui portait
     attention. Il s’apprêta à attaquer la suite, la plus décisive, quand la sonnerie
     du téléphone l’interrompit.
    Marie-Ange lui fit signe de poursuivre tandis qu’elle se dirigeait vers le hall
     pour répondre. Pierre profita du dérangement occasionné par l’appel et se mit à
     discuter avec son père. Il voulait confirmer l’heure à laquelle il viendrait les
     prendre, lui et Léo, demain matin. Mécontent, Mathieu joua plus fort. Cela ne
     fit qu’augmenter le ton de la conversation à laquelle Henry venait de s’ajouter
     en précisant qu’il était libre le lendemain et qu’il pouvait rendre service s’il
     y avait quoi que ce soit. Isabelle aussi avait congé, alors elle proposa à
     Yvette d’aller courir les boutiques. La mélodie changea abruptement de style.
     Marie-Ange revint au salon.
    — Mon pauvre Pierre, j’ai une ben mauvaise nouvelle pour toi...
    Mathieu cessa de jouer.
    — C’était un gars du Patro , un certain Clodo… Ton patron est mort.
    Mathieu ne se détourna pas du piano tandis qu’on entourait son frère Pierre qui
     accusait le choc de l’annonce. Ils sortirent du salon et se dirigèrent à la
     cuisine pour discuter de ce malheureux décès. Encore une fois, Mathieu s’était
     fait voler son moment... Il se retourna. Le seul spectateur, Léo, dormait à
     poings fermés. D’un coup sec, Mathieu referma le couvercle. Plus jamais il ne
     prendrait le risque de se montrer vulnérable. Sa musique, il ne la jouerait que
     pour lui.

    Après l’appel téléphonique, Henry refusa que Pierre prenne le volant pour se
     rendre au pub, l’émotion du jeune homme étant trop vive. L’avocat offrit de le
     conduire. François-Xavier décida de monter avec eux. Pierre leur en sut gré.
     Submergé par la peine, il aurait eu du mal à se rendre sans causer un nouvel
     accident. Isabelle offrit son aide également.
    — On sait jamais, une infirmière peut être utile… Tu sais de quoi est mort ton
     patron ? avait-elle demandé quelques minutes plus tard, assise en avant entre
     Henry qui conduisait et lui.
    — Non, matante Marie-Ange dit que Clodo était ben énervé, juste ben énervé pis
     qu’il répétait la même chose.
    — C’est qui, ce Clodo ? demanda son père, assis seul à l’arrière.
    — Juste un client régulier. Le numéro de matante était écrit en gros chiffres à
     côté du téléphone. Vous comprenez, mon patron… il voyait plus très clair. Je
     voulais qu’il puisse me rejoindre le dimanche quand j’étais pas là.
    Rendu au Patro , Pierre tremblait en pénétrant dans la taverne. Les trois
     loups de mer se précipitèrent au-devant de lui. Ils parlaient les trois en même
     temps.
    — Ah enfin ! te voilà, le jeunot.
    À ce surnom utilisé par son patron, les larmes lui vinrent aux yeux.
    — On jouait aux cartes, comme tous les soirs, pis Clodo voulait une autre
     bière…
    Pierre chercha du regard le vieux Clodo. La tête penchée sur le bar, il
     chialait en reniflant :
    — Maudite vie sale, maudite vie sale…
    Pierre se concentra à nouveau sur le flot de paroles des loups de mer.
    — Pis là, c’était à lui de jouer…
    — Non, c’était à moé, je pense…
    — En tout cas, le patron s’est levé…
    — Je lui avais dit de le laisser poireauter, ce gros lard…
    — S’il s’était pas levé…
    — Il fallait ben qu’il se lève un jour !
    — En tout cas, il s’est levé de sa chaise, pis y a pas fait trois pas qu’il
     s’est tenu la poitrine…
    — Pis il est tombé en pleine face, raide mort.
    — Où est-il ? demanda Pierre en ne voyant aucune trace du corps. En
     haut ?
    — Ben non, on sait pas comment aller dans ses appartements.
    C’est vrai, se dit Pierre. Il n’avait pas pensé que la porte dérobée était bien
     dissimulée et que la clé pour l’ouvrir l’était encore plus, dans le faux fond
     d’un tiroir du bar. Le patron gardait tout son argent en haut, car il lui
     fallait être prudent. Et il disait que, n’ayant pas d’autre choix que d’accepter
     la protection de ce cher Vic, il préférait quand même se garder une sortie de
     secours.
    — Y est où d’abord ? répéta-t-il.
    Autant les trois joueurs de cartes avaient été volubiles, autant ils se
     dandinaient maintenant d’un pied à l’autre, gênés de répondre. L’un

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