Les porteuses d'espoir
d’eux finit
par murmurer :
— Ben, on l’a traîné en arrière du comptoir.
— Quoi ? s’exclama Isabelle en courant vers le bar, suivie d’Henry. Y est
peut-être encore vivant !
— Vous l’avez laissé là ? Vous en avez pas pris soin ? s’indigna Pierre.
— Pars pas en peur, le jeunot ! Si tu penses que c’était beau à voir, le patron
par terre.
— On a demandé à Clodo d’appeler des secours.
— Clodo ! dit Pierre. C’est à peine s’il se souvient de son propre nom !
L’alcoolique s’était levé. Il tituba jusqu’à Pierre.
— Maudite vie sale, maudite vie sale ! Je peux pas croire que le patron soit
parti si vite, de même. Y aurait pu nous avertir, criss, c’est pas une manière
de traiter le monde !
Au même moment, Isabelle réapparut en faisant signe de la tête qu’il n’y avait
plus rien à faire.
— Je suis désolée, Pierre, je crois que c’est son cœur qui a lâché. Il doit
être mort sur le coup. Il faudrait le transporter dans un lit.
Pierre implora son père.
— Papa, s’il vous plaît, voulez-vous les faire sortir ?
François-Xavier commença par Clodo qu’il soutint jusqu’à la sortie. Pierre
trouva le courage de s’approcher du corps. Il s’agenouilla près de son patron et
murmura :
— Vieux malcommode, t’as fait à ta tête… T’as attendu que je sois pas là pour
tirer ta révérence. Tu me disais tout le temps que je te couvais comme une poule
son œuf. Qu’un beau gars comme moi aurait dû courir les filles plutôt que de
perdre son temps avec un vieil aveugle… Tu disais que t’attendrais pas ma
permission si tu décidais de lever les pattes… T’as eu ben raison parce que…
parce que si j’avais été là, je t’aurais jamais laissé partir… jamais.
Henry lui mit une main sur l’épaule.
— Il faudrait l’emmener ailleurs...
Opinant de la tête, Pierre prit la clé de la porte. À eux deux,
ils transportèrent le corps jusqu’à l’étage. Monter l’escalier avait été facile.
Son patron ne pesait plus bien lourd. Avec respect, ils étendirent le vieil
Irlandais dans son lit. Isabelle prit le chapelet qui pendait sur un montant du
lit et le plaça entre les mains du défunt qu’elle joignit entre elles.
François-Xavier vint les rejoindre.
— Il n’y a plus personne en bas, pis j’ai barré la porte d’entrée, dit-il d’une
voix basse.
— Il a de la famille à rejoindre ? demanda Isabelle.
— Non, à part peut-être en Irlande…
— C’était un Irlandais ? demanda François-Xavier en se tenant toujours dans le
cadre de la porte.
— Oui, mais il a quitté son pays ça fait des lustres.
— Maintenant, il faut faire venir un médecin pour constater le décès, dit
Henry.
— Le numéro du docteur Boisvenu est avec celui de matante, à côté du
téléphone.
— Je m’en occupe, dit François-Xavier en redescendant.
— Écoute, il doit avoir des papiers quelque part, un testament, quelque chose,
dit Henry.
Pierre haussa les épaules.
— J’ai aucune idée.
— Bon, ben je vais fouiller un peu.
Henry se mit à ouvrir quelques tiroirs. Avec douceur, en faisant le moins de
bruit possible, il examina le contenu de toute la commode, sans succès.
— Regarde en dessous du lit, on sait jamais, proposa Isabelle. Ma grand-mère
gardait sa boîte à souvenirs là.
Henry obéit.
En bas, François-Xavier raccrocha, le cœur battant. Les tempes lui
bourdonnaient. Cela ne se pouvait pas… Le docteur avait répondu. Quand il lui
avait demandé de quel patient il s’agissait,François-Xavier
avait réalisé qu’il n’avait aucune idée du nom du patron de Pierre. Gêné, il
avait tenté d’expliquer la situation au médecin.
— C’est le patron de mon fils, il a une taverne, Le Patro .
— Ah ! vous voulez parler de monsieur O’Connor ! Son cœur, je suppose. Je serai
sur place dans moins d’une demi-heure.
« Calme-toi, François-Xavier, ce n’est qu’un hasard. »
Pourtant, en entendant le même nom de famille que celui de son père naturel, il
avait ressenti un sentiment si étrange. Il revoyait la lettre de sa mère,
Joséphine, lettre dévoilant sa naissance secrète et le fait qu’il était le fils
illégitime d’un marin irlandais… Du fond de sa mémoire, un souvenir enfoui
remontait, faisant continuellement repasser dans sa tête la même scène. Il
habitait
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