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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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brutalités, sinon au mépris qu’il nous témoignait.
     
    De temps à autre, quand la chaleur perdait de son intensité, nous avions le spectacle d’une promenade de la  se ñ ora  Fernandez, accompagnée d’un jeune serviteur mulâtre vêtu à la mode caraïbe, qui abritait sa maîtresse sous une vaste ombrelle blanche. Lorsqu’elle croisait des groupes de prisonniers, elle ordonnait à son serviteur de forcer l’allure.
    Une seule occasion me fut donnée de m’entretenir avec elle. Nos chemins s’étaient croisés dans les ruines du Palais-Royal. Elle s’arrêta ; je fis de même. Elle me sourit ; je répondis en ôtant mon chapeau. Elle débita les banalités d’usage :
    — Il fait bien chaud aujourd’hui,  monsieur  Puymège. Croyez-vous que cela va durer ?
    — Je le crains, madame. L’été est la pire des saisons. Nous allons de nouveau manquer d’eau.
    — Peut-être aurons-nous un orage ce soir ?
    — Je l’espère, madame, en souhaitant qu’il ne soit pas trop violent, sinon le remède pourrait être pire que le mal.
    Elle soupira derrière son éventail.
    — Les pauvres gens, comme je les plains… Je vous souhaite le bonjour,  monsieur  Puymège.
    Ce préambule n’eut pas de suite. J’étais flatté qu’elle connût mon nom. Son époux avait dû lui parler de moi en bons termes, sinon elle serait passée sans s’arrêter. Mais pourquoi m’avait-elle appelé  monsieur  ?
    Je ne la revis plus qu’en de rares occasions et ne le regrettai pas : elle était assez belle mais sotte. Elle ne cessait de proclamer que cette île était ravissante et son séjour, malgré la chaleur, délicieux, à croire qu’elle ne manquait de rien ! Son époux, m’avait-il dit, n’était ni sourd ni aveugle ; elle, si.
    Cette perruche écervelée eut l’idée saugrenue de faire venir à Cabrera un des chevaux de son élevage. Nous assistâmes, ébahis, à son débarquement, qui ne se fit pas sans risques. Malmené par une mer houleuse, le pauvre animal fut descendu dans une chaloupe par un système de sangles inadapté et faillit tomber à la mer. C’était un alezan de grande race, à la robe dorée. Arrivé à terre, il broncha et rua, comme s’il avait une vipère à ses pieds ou que notre présence l’eût indisposé.
    Le temps nécessaire pour le conduire dans une cabane aménagée en écurie, avec un espace libre pour ses galops, j’admirai, en me souvenant des horses de mes campagnes, cette pure merveille.
    La  se ñ ora  Luisa ne laissa pas longtemps son cheval inactif. Elle le faisait galoper tous les matins autour de la cabane et le montait pour des promenades à travers le maquis. De temps à autre, elle s’arrêtait pour tirer des oiseaux de mer à la carabine.
    Ce bel animal avait des admirateurs parmi nous, notamment chez les cavaliers qui, appuyés à la palissade, suivaient ses évolutions. Il se laissait approcher, caresser, daignait brouter la poignée d’herbe qu’on lui tendait et remerciait d’un hennissement. Il était mieux nourri que nous, avait toujours du foin dans sa mangeoire et de l’eau dans son bac.
    À ce qui ressemblait fort à de la provocation, certains répondirent par un rapt.
    Un matin, je fus réveillé par des cris venus des parages du port.
    Pendant la nuit, profitant de la somnolence des gardiens, une main mystérieuse avait ouvert le portail de l’écurie, si bien que la  se ñ ora  Luisa, descendue du château pour sa promenade matinale, avait trouvé la cabane déserte. Répondant à l’appel de la liberté, son cheval avait pris la route de la montagne et y avait disparu.
    À l’évidence, il avait suscité davantage de convoitise que d’admiration. Durant deux jours, les colères de l’amazone retentirent dans les parages du Palais-Royal. Elle fit envoyer toute la garnison à la recherche de sa monture et infliger par Diaz une sévère flagellation aux gardiens. Pour ses recherches, elle demanda des volontaires parmi nous et n’en trouva pas.
    L’alezan avait suivi le destin tragique subi par Robinson, l’âne de madame Daniel.
     
    Lorsque, un matin de novembre, je vis le père Damian s’avancer vers la Malmaison, son étole au cou, accompagné de son assistant, Diego, je compris ce qui me valait sa visite.
    — Mon fils, me dit-il, je connais vos opinions philosophiques, mais ne le prenez pas en mauvaise part si

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