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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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le modeste serviteur de Dieu que je suis souhaite éviter à votre compagne le purgatoire ou la damnation éternelle. C’est une bonne chrétienne. Elle me saura gré de mon attention. J’ai appris, à la chorale, que son état s’était aggravé. Qu’en est-il ?
    — Il est grave, lui répondis-je, mais il est un peu tôt pour l’extrême-onction. Une confession ne saurait lui faire de mal. Entrez donc.
    Je lui conseillai d’être bref et de ne pas ranimer les feux de l’enfer pour lui faire avouer des péchés qui ne pesaient guère à sa conscience. La confession dura près d’une heure. Il me dit en ressortant :
    — Votre compagne, capitaine, est une belle âme. Elle a sa place à la droite du Père. Cependant… avez-vous conscience qu’elle en est à la dernière extrémité ? Pourquoi ne pas la faire conduire à l’infirmerie ? Je pourrais avoir un œil sur elle, veiller à ce qu’on lui donne des soins et la réconforter…
    Je m’y opposai, comme Auguste et elle-même l’auraient fait.
    Plus tard, m’interrogeant sur une telle prévenance, je me dis que notre  capell á n , ayant appris par une indiscrétion mon projet de raconter nos épreuves, souhaitait faire bonne figure dans mon récit. Dans les propos qu’il me tenait depuis peu, je décelais plus de miel que de vinaigre.
    Il avait remisé ses foudres pour me témoigner un sentiment qui avait l’apparence de l’amitié.
    Édith mourut après une tempête d’hiver, en janvier 1813, chez elle, à la Malmaison, après des semaines de souffrances atroces. La prédiction de Murel s’était accomplie : l’infection avait gagné tous ses organes. Dans ses délires, elle l’appelait, répétant que s’il avait été là il aurait fini par la guérir, alors que moi…
    Je n’étais même pas capable, disait-elle, de doser ses tisanes… La nourriture que je lui préparais était si infecte qu’un chien n’en aurait pas voulu… J’avais dû recueillir dans une mare l’eau que je lui faisais boire…
    Elle était devenue, surtout après le départ de Murel, acariâtre, violente, injuste dans ses diatribes. Lorsque je tentais de la calmer dans ses périodes de crise, elle martelait ma poitrine de ses poings en criant des insanités.
    Puis-je l’avouer ? Sa mort me causa plus de soulagement que de chagrin. Je ne pouvais guère m’absenter plus d’une heure sans risquer un débordement de récriminations auxquelles je me gardais de riposter pour ne pas les envenimer.
    Quelques jours après avoir inscrit le décès d’Édith sur le registre mortuaire de la maison commune, je reçus la visite de madame Daniel. Elle venait de temps à autre apporter à ma compagne quelques douceurs, comme des salades et des soupes d’herbes sauvages, ou un cruchon de liqueur à base de fruits de caroubier et de mûres.
    Elle me proposa ses services pour tenir ma maison et préparer mes repas. Je ne tardai pas à comprendre qu’elle souhaitait une vie de couple, ce qui, sans me répugner, ne me tentait guère. Je le lui dis avec ménagement ; elle se garda d’insister. Il n’empêche, nous avions de fréquents contacts : elle se plaisait à la Malmaison et moi dans sa cabane aux murs de torchis, tapissés intérieurement de bouquets d’herbe et de dessins réalisés par son fils. Quant à mener une vie plus intime, j’en écartai l’idée : la solitude ne me pesait guère.
     
    Au début de l’été, deux soldats en patrouille découvrirent une nouvelle source dans les parages de Conejera. Ils se reposaient sous un chêne vert quand leur attention fut attirée par un bruit qui ressemblait à un pépiement d’oiseaux. Ils cherchèrent un nid et trouvèrent une source, dont l’eau s’infiltrait dans les rochers. Ils puisèrent quelques réserves pour leur compte personnel, avant de déclarer leur découverte au commissaire, un geste altruiste qui leur fit honneur. Il fallut organiser une garde de nuit et de jour pour éviter le pillage et le saccage de ce précieux trésor.
    Un autre événement bénéfique se produisit au cours de cette même année : la junte nous adressa un colis de rasoirs et de ciseaux. On pourrait prendre cela pour une plaisanterie, mais que l’on imagine le plaisir que nous allions éprouver, après avoir eu l’apparence de  bushmen  ou de sages hindouistes, à glisser notre main sur des joues exemptes de

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