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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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peines, sergent Masson. Que les dieux de la mer et ceux des évasions vous protègent !
    À une semaine de cette première rencontre, sous prétexte d’herboriser pour mes tisanes du soir, je poussai jusqu’à la caverne transformée en chantier naval. Par crainte des délateurs, Masson et ses compagnons avaient posté des vigiles dans les parages. Ils me laissèrent passer, comme ils en avaient reçu la consigne.
    Ces candidats à l’évasion me faisaient à la fois envie et pitié. J’admirais leur confiance, mais je les plaignais. Construire une embarcation sans le matériel et les outils nécessaires était une gageure. Je ne décidai ni de les décourager ni de les encourager, mais je gardais le sentiment qu’ils allaient en vain mettre dans cette entreprise leurs dernières forces et leurs ultimes illusions.
    Leur premier essai se solda par un échec. Construite de bric et de broc, la barque mise à l’eau de nuit ne tint pas la mer.
    Allaient-ils en rester là ? C’eût été, comme l’avait dit Masson, « mal le connaître ». Il me fit raconter ce que je savais des précédentes tentatives : les rares qui avaient réussi et les autres ; à vrai dire, peu de chose, car c’est par la suite, de retour au pays, que j’eus le plus de détails. Il avait fait un autodafé de la barcasse et nourrissait un autre projet :
    — Je ne vois d’autre moyen pour quitter ces lieux maudits, me dit-il, que de s’emparer d’une barque de pêcheurs, en tirant au sort ceux qui pourront y prendre place.
    — Cette idée, lui dis-je, d’autres l’ont eue. Rares sont ceux qui ont réussi, et ce ne fut que par miracle. Cependant, c’est la meilleure et la seule solution. L’inconvénient majeur est que les pêcheurs, depuis cet exploit, se méfient et accostent rarement.
    Je lui conseillai de faire forger des grappins par le maréchal-ferrant. Il lui en coûterait quelques  pesettes .
    Des  pesettes , lui et ses hommes n’en étaient pas riches. Il leur fallut pourtant passer par le  faure , le forgeron, lequel ne fit aucune difficulté et exécuta ce travail pour un prix modique. Quelques jours plus tard, Masson et ses apprentis corsaires étaient prêts à l’action.
    — Nous faisons bonne garde, me confia-t-il. D’ici peu, adieu, Cabrera ! Si le cœur vous en dit, soyez des nôtres.
    — Je vous en remercie, mais je reste fidèle à mon devoir de solidarité. Je serai le dernier à quitter cette île, heureux si je n’y laisse pas ma peau et mes os.
    Un nouvel échec de Masson faillit lui faire renoncer à son bel optimisme.
    Ses démarches, et les observations de quelques prisonniers en promenade dans les parages de la caverne, avaient éveillé des soupçons. La manœuvre dénoncée au commissaire Fernandez, une perquisition fut ordonnée. Elle fit chou blanc, Masson ayant pris soin de dissimuler tout ce qui pouvait le confondre. Nouvel ordre de Fernandez : interdiction aux pêcheurs de s’approcher de moins d’une encablure du rivage.
    Je triomphai modestement :
    — Je vous avais prévenu, sergent. Qu’allez-vous faire, à présent ? Vous croiser les bras en attendant le déluge ?
    — J’observe. Quand vous me trouvez assis en haut d’une falaise, ce n’est pas pour me dorer au soleil ni pour me jeter à la mer. Je médite en me disant qu’il n’y a pas de cas désespérés. Je me souviens d’une bataille en Catalogne, entre Gérone et Rosas. Nous étions à un contre dix. J’ai réuni une quinzaine de fantassins et nous avons chargé, baïonnette au canon. Les Espagnols ont foutu le camp en jetant leurs armes, et nous avons fait une vingtaine de prisonniers. Depuis, je ne doute de rien.
    Il ajouta, en pointant le doigt vers le large :
    — Regardez cette frégate espagnole, capitaine. Que remarquez-vous d’intéressant ?
    — Ma foi, des matelots en train de laver le pont, un officier à la dunette, un autre à la coupée…
    — Rien d’autre ?
    — Rien.
    — La présence de la grosse chaloupe amarrée à tribord vous aurait-elle échappé ?
    — Vous ne comptez tout de même pas…
    — … nous en emparer ? Eh bien, si ! Du moins allons-nous tenter le coup.
    Je lui révélai qu’un an plus tôt un gendarme de la Garde, qui n’avait pas froid aux yeux, avait eu la même idée et l’avait payée de sa vie. Depuis, les Espagnols se
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