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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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exigeants sur la nourriture, se livrèrent à des pillages et à des violences contre lesquels notre commissaire, du haut de son perchoir, répugnait à sévir pour ne pas susciter un mouvement insurrectionnel.
    C’est à l’occasion d’un autre arrivage que j’entendis de nouveau parler d’évasion…

5
Ces fous merveilleux…
    Alors que nous respirions les prémices enivrantes de notre libération, l’un des personnages qui ont le plus marqué ma captivité fit son entrée dans notre communauté.
    Natif de Marseille, Bernard Masson venait d’être enrôlé à Gênes, au 67 e  de ligne, quand il reçut son affectation pour l’Espagne, dans le corps d’armée du général Gouvion-Saint-Cyr. Huit mois de campagne en Catalogne et quelques beaux faits d’armes lui avaient valu le grade de sergent. Fait prisonnier dans les parages d’Olot, il avait été interné dans un camp de Tarragone, avant d’embarquer à destination de Cabrera. Il y arriva, avec un groupe d’une quarantaine de compagnons d’armes, épuisés et affamés.
    Dans les jours qui suivirent leur installation, j’eus l’occasion de rencontrer Masson devant l’une des rares boutiques du Palais-Royal qui avaient survécu à nos épreuves, en train de négocier l’achat d’une bouteille de vin.
    — J’ai entendu parler de vous, me dit-il, et en bien. Vous êtes le capitaine Laurent de Puymège. Le sergent Masson est heureux de faire votre connaissance. Mais que diable faites-vous ici ? Vous auriez dû être rapatrié depuis belle lurette.
    — C’est une longue histoire. Nous en reparlerons si cela vous intéresse.
    — Je compte sur votre dévouement connu de tous pour nous guider dans cette géhenne, nous épargner des bévues, et, si possible, nous éviter de crever de faim. Vous êtes, dit-on, une sorte de factotum, donc une relation précieuse.
    — Heureux si je puis vous rendre service, mais mon pouvoir est limité. Cependant, j’avoue que je connais cette île mieux que personne, depuis près de cinq ans qu’elle est mon lieu de résidence.
    Il paya sa bouteille et poursuivit :
    — Nous étions au désespoir en apprenant que nous allions être déportés à Cabrera, cette « île fortunée », comme on dit, mais qui a la réputation d’un bagne à ciel ouvert.
    Il ajouta, en frisottant ses longues moustaches brunes :
    — Si je vous livre un secret, promettez-vous de le garder ?
    Je me rebiffai.
    — Si vous en doutez, sergent, je refuserai que vous m’en disiez plus et j’exigerai un salut militaire à chacune de nos rencontres.
    — Ne le prenez pas en mauvaise part, capitaine, mais la moindre indiscrétion risquerait de faire échouer notre projet.
    — Ne me dites pas que vous avez l’intention de vous évader ! ?
    — Diable ! Comment l’avez-vous deviné ?
    — C’est la première idée qui vient à tous ceux qui nous rejoignent, mais je crains que vous ne nourrissiez des illusions. Quand et comment comptez-vous procéder ? Croyez-moi si je vous dis que c’est impossible. Renoncez.
    Il éclata de rire.
    — On voit bien que vous ne me connaissez pas, capitaine ! Des situations désespérées, j’en ai connu quelques-unes au cours de mes campagnes en Catalogne, et j’en ai réchappé, comme vous voyez. Tout ce que j’attends de vous, ce sont avant tout des conseils de prudence. Je sais que je puis vous faire confiance.
    — Vous le pouvez et le devez.
    Il était de taille modeste, un peu rond encore malgré les privations, le teint frais sous la barbe, le visage empreint d’énergie et de jovialité, le regard d’un bleu métallique.
    — Eh bien… soupirai-je, puisque vous vous obstinez à transformer vos chimères en réalité, je ne saurais vous refuser mon aide.
    Il n’avait pas d’idée précise sur la tactique qu’il allait adopter. Construire une embarcation à voile ? S’emparer d’une chaloupe ? Emprunter une barque de pêcheurs ?
    — J’ai porté mon dévolu, me dit-il, sur une vaste caverne inhabitée au nord-est, qui donne sur la mer. Nous allons construire une embarcation pour une quarantaine d’hommes, mais, si l’occasion se présente de nous emparer d’une chaloupe ou d’une barque, nous ne la négligerons pas. À Marseille, j’ai travaillé pour un armateur. Les choses de la mer ne me sont pas étrangères.
    — Vous n’êtes pas au bout de vos
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