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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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français, le caïd écouta le récit de leur odyssée, leur offrit l’hospitalité et leur apprit qu’ils se trouvaient dans les parages de Cherchell, à quelques lieues à l’ouest d’Alger, où ils pourraient rencontrer le consul de France.
    Le lendemain, ils se rendirent à pied dans cette dernière ville, escortés par des hommes du caïd. Le consul les hébergea dans les annexes du consulat avant de les confier à un navire corsaire qui remontait vers Barcelone, que l’armée impériale tenait toujours.
    Une tempête qui avait chargé la mer de brouillard obligea le navire à faire escale à Peniscola, sur la côte du Levant espagnol, dont la forteresse, dressée sur une péninsule, était occupée par une petite garnison française qui reçut avec des effusions ces évadés du bagne.
    Dans le récit qu’il a laissé de cette aventure, et auquel je me suis référé pour nourrir mon ouvrage, Masson ne tarit pas d’éloges sur l’accueil qui leur fut réservé, à lui et à ses compagnons, dans ces lieux, propriété d’un ancien archevêque de Tolède, Pedro de Luna, au temps des Maures de Grenade.
    Lorsque sonna l’heure du départ, Masson parvint à faire accepter au capitaine de la forteresse son intention de se rendre non à Barcelone, terme prévu du voyage, mais… à Cabrera ! Il suffirait selon lui d’utiliser l’un des navires espagnols pris lors du siège de la ville et encore ancrés dans le port.
    C’est ainsi que, le 1 er  mars de l’année 1814, pourvu d’un capitaine, d’une cinquantaine de soldats et de vivres, l’ Isabella  quitta le port de Peniscola pour faire voile vers les Baléares, avec le sergent Masson à la barre.
    Une idée obsédait cette âme extravagante mais généreuse : tenter d’arracher quelques centaines de nos prisonniers à leur misère, quitte à faire le sacrifice de sa personne. Il serait allé les chercher dans les fins fonds de l’Afrique s’ils s’y étaient trouvés.
    La première rencontre, non désirée, fut celle d’une flotte de six navires anglais. Il fallut parlementer au porte-voix, ce que fit un interprète. L’ Isabella  battant pavillon espagnol, les Anglais lui laissèrent le champ libre. Deux jours plus tard, le navire, en vue de Majorque, échappa aux sentinelles postées sur les  atalayas , ces tours de guet chargées de la surveillance des côtes, en se réfugiant dans une crique, à l’est de Palma, pour y faire de l’eau. Il ne reprit son chemin vers Cabrera qu’au jour naissant.
    En vue de l’île, dans les dernières brumes du matin, l’ Isabella  ayant échappé aux navires de surveillance, Masson choisit de jeter l’ancre dans la cala Gandulf, à l’entrée de la baie, à une demi-lieue du port, sans provoquer de surprise, le pavillon faisant illusion quant à la nature des arrivants.
    Cette nuit-là, donc, je dormais profondément quand des chocs ébranlant ma porte m’éveillèrent en sursaut. J’allumai une chandelle, poussai le loquet et jetai un cri comme si venait de surgir devant moi un spectre de l’armée impériale.
    — Mes respects, capitaine, me lança avec un large sourire le sergent Masson. Navré d’interrompre votre sommeil…
    — Vous ! Dites-moi que je rêve !
    Il fit claquer ses talons, me salua militairement et éclata de rire.
    — Non, capitaine, me dit-il, vous ne rêvez pas. Bernard Masson, sergent au 67 e  de ligne pour vous servir. Je ne fais que passer.
    Je le priai de s’asseoir et de me raconter son épopée.
    — Pardonnez-moi, me répondit-il, mais le temps presse. Nous nous reverrons, j’en ai la conviction, à Marseille ou à Paris. Sachez simplement que tout s’est déroulé suivant mes prévisions. Je regrette simplement que vous ne nous ayez pas suivis. Campez-vous toujours sur vos positions ?
    — Plus que jamais. On a besoin de moi ici, vous le savez.
    Il soupira, sortit un paquet de sa veste et le déposa sur la table.
    — Un cadeau : une boîte de cigares de Cuba, et une nouvelle, à la fois bonne et mauvaise : les armées impériales subissent défaite sur défaite. Tenez bon la rampe : cela signifie que votre libération ne saurait tarder.
    — Puissiez-vous dire vrai ! Je ne sais si je pourrai tenir encore des mois, voire même des semaines.
    Je lui demandai où en était la guerre dans la Péninsule. Joseph avait quitté Madrid pour la
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