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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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France, et le jeune roi Ferdinand avait pris sa place sur le trône.
    — Pardonnez-moi, ajouta-t-il, je dois me retirer. Nous comptons embarquer une centaine de prisonniers, peut-être plus, que nous allons réveiller. Bonne chance, capitaine Puymège !
    Je le remerciai pour les cigares, lui donnai une vigoureuse accolade et le regardai partir d’un pas alerte, fusil à l’épaule.
    De tout le reste de la nuit, je ne pus trouver le sommeil.
    Au bout d’un moment, j’allumai un cigare et allai le déguster sur la terrasse. Une barque de lune cherchait sa place entre les nuages. De l’opération qui se déroulait dans la montagne je ne perçus rien que les cris des oiseaux de nuit. Assis sur la murette, les pieds battant dans le vide, je méditais sur les propos que m’avait tenus Masson, quelques semaines plus tôt, avant d’embarquer : « Si je réussis ce coup-là, je reviendrai vous chercher, si vous avez changé d’avis… » J’avais cru à une boutade ; il fallait s’attendre à tout avec ce personnage hors du commun.
    J’avoue que le regret me taraudait à l’idée que j’aurais pu m’extraire de cette tourbe de misère. Un simple mot aurait suffi : « oui », mais pour ne pas trahir ma parole je m’étais refusé à le prononcer.
     
    Le lendemain, un vent de panique soufflait sur Cabrera.
    Descendu de son nid d’aigle en palanquin, accompagné de son épouse, don Balthazar Fernandez se démenait comme un diable avec de grands moulinets de canne, lâchant, d’une voix de pintade, des imprécations indignes de lui. Il s’en prenait surtout aux sentinelles, qui avaient laissé s’échapper plus d’une centaine de prisonniers. Trahison !
    J’appris qu’au cours de la nuit écoulée Masson et quelques soldats de son escorte étaient passés de case en case pour annoncer aux prisonniers la fin de leur martyre. Une centaine d’hommes alors que nous étions encore des milliers, c’était peu de chose, mais un frisson d’espoir courut dans notre communauté.
    Je ne connus que plus tard, toujours grâce au récit de Masson, le déroulement de cette expédition. Arrivés non sans quelques alertes à Barcelone, les rescapés avaient été accueillis par le commandant de la garnison, le lieutenant général baron Habert, qui, ayant recueilli le témoignage de Masson, le proposa pour le grade de sous-lieutenant et la croix de la Légion d’honneur.
    En attendant la confirmation de ces récompenses, Masson fut nommé adjudant sous-officier au 42 e  de ligne. L’Empereur exilé à l’île d’Elbe et les Bourbons de retour, nombre de régiments allaient être licenciés. Masson demanda son affectation dans un corps de gendarmerie, en Corse, une île qu’il rêvait de connaître et qui allait lui rappeler des souvenirs pénibles et d’autres qui l’étaient moins.

CINQUIÈME PARTIE

1
Un jour, un pavillon blanc…
    Jamais je n’avais vu don Balthazar Fernandez dans un tel état : suffocant, partagé entre stupéfaction et indignation.
    Accompagné de son sbire, Diaz, il courait (en palanquin) d’une cabane à un village puis à une caverne, Dieu sait pourquoi, faisant partout perquisitionner, flageller ceux qui l’accueillaient avec un sourire ou des propos ironiques. Il cherchait des coupables qui n’existaient que dans son imagination, puisqu’ils avaient pris le large.
    Informé des relations amicales que j’avais entretenues avec Masson, il s’en prit à moi, me tenant pour complice de ce coup fourré et me menaçant de m’envoyer à Palma me faire juger et exécuter.
    — Pardonnez-moi, Excellence, lui répondis-je, mais vous avez la preuve que je suis étranger à ce coup de main, du fait que je suis encore là ! J’aurais pu partir. J’ai refusé. De quoi pouvez-vous m’accuser ?
    — De complicité ! Comme on dit en France, vous étiez cul et chemise avec Masson, ce  brigado , ce  salteador  !
    Comme je tentais de détailler ma défense, il me frappa au visage avec sa canne et me fit au front une blessure dont je porte encore la trace. Il me jeta, en me congédiant :
    —  Fuera ,  idiota  !
    Cette allusion à ma boiterie me fut presque aussi sensible que son coup de canne. Je ne reconnaissais plus dans cet énergumène surexcité l’homme dont j’avais apprécié la courtoisie et la compassion. Ce vieil homme au visage vultueux, couvert d’une sueur
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