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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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d’un éventail avant de le jeter à la corbeille. Rien ne pressait.  Ma ñ ana …
    Auréolé de son exploit de Jaén, Baste reçut une nouvelle mission aussi importante mais plus périlleuse : se porter sur la sierra Morena et s’assurer de la liberté de passage de la division Vedel au défilé de Despeñaperros. Il y parvint, non sans avoir dû livrer bataille à des bandes hargneuses de guérilleros.
    Je tiens du général Baste, qui m’honorait sinon de son amitié du moins de sa sympathie, la suite et la fin de cette campagne mal engagée, aggravée par la mésentente récurrente entre Dupont et Vedel, qui allait avoir des conséquences funestes. Sans son aide et sans les ouvrages que j’ai consultés plus tard, je serais incapable, tant la confusion était grande, de restituer les péripéties de cette bataille dite « de Baylen ».
     
    Au début du mois de juillet, alors qu’assis sur une murette, au pied du château d’Andújar, je fumais mon dernier cigare de la journée, je vis le général Baste s’avancer vers moi, son bras droit en écharpe suite à une blessure reçue les jours précédents devant Jaén. Il me demanda courtoisement si sa présence ne m’importunait pas. Sans attendre ma réponse, il s’assit près de moi, sous un taillis de chênes verts où s’égosillaient des passereaux.
    Je lui offris un cigare ; il me tendit une flasque d’armagnac qu’il s’était procurée je ne sais comment.
    Nous sommes restés un moment silencieux, face au paysage baigné de la lumière magique du soir. Une étrange luminosité montait des oliveraies qui faisaient une ceinture d’un gris argenté à la ville. Il alluma son cigare et soupira, dans la première bouffée :
    — Capitaine Puymège, à votre avis, ce pays mérite-t-il les souffrances que nous lui faisons endurer ? Je ne vous cache pas que j’aurais aimé le parcourir, peut-être y finir mes jours plutôt que dans le négoce du bois, à Bordeaux…
    Il me raconta que, suivant les ordres de Dupont, il avait dû, pour la deuxième fois, marcher sur Jaén que des insurgés venus de Grenade avaient occupée après son retrait. Il avait trouvé une ville désertée, sans la moindre nourriture. Pour s’y maintenir, il avait fallu fourrager en tout lieu pour enlever du bétail, des céréales, et rapporter de l’eau. Occupation de courte durée : l’ennemi était revenu à la charge et avait menacé les Français d’encerclement. Il avait fallu en hâte faire retraite.
    Les quelques prisonniers qu’ils avaient faits au cours de brefs affrontements étaient unanimes : le sac de Cordoue avait suscité un désir de haine et de vengeance dans toute la province.
    De retour à Andújar, Baste avait constaté que rien n’avait été fait pour organiser la défense de la ville, alors que nous risquions d’être submergés, et pas seulement par cette tourbe de guérilleros qui venaient chaque jour chanter leur colère sous nos murs.
    — Dupont, me dit-il, était devant un choix : faire retraite vers la sierra Morena, retourner à Madrid, ou marcher à l’ennemi. Il n’a toujours rien décidé…
    — C’est un choix difficile.
    — J’en conviens, mais c’est dans la rapidité des décisions qu’on reconnaît les bons chefs de guerre. L’Empereur aurait déjà pris son parti, mais ce pauvre Dupont n’a ni son génie ni son intuition, et, entre nous, il semble qu’il ait perdu la boussole…
    — Qu’auriez-vous fait à sa place ?
    Il s’éclaircit la voix avant de poursuivre :
    — J’aurais marché sur Jaén en passant par Menjibar, où l’on trouve encore quelques ressources. Nous y aurions rejoint le corps d’armée du général Cassagne et aurions ainsi constitué une force capable de marcher sur Séville. Le maître mot en l’occurrence, est concentration, mais Dupont fait la sourde oreille. Si Vedel daignait nous rejoindre, nous serions invincibles, mais qu’est-ce qu’il fout, nom de Dieu ?
    Il ajouta, tout en tirant une dernière bouffée de son cigare :
    — Cette chaleur me tue, Puymège. On dit que c’est la pire depuis plus de cinquante ans dans ce foutu pays.
    Il jugeait l’état de notre division pitoyable. Nous avions perdu des centaines d’hommes suite aux embuscades, aux combats, aux désertions et à la maladie. Un important convoi de vivres avait réussi à franchir la sierra

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