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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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environ, le visage rond, rose et jovial, il soignait ses malades et ses blessés de manière à leur faire oublier qu’ils avaient frôlé la mort. Il était originaire d’un village du Quercy, proche de Cahors, et avait gardé le parler rocailleux de sa province.
     
    Le lendemain, alors que nos boulangers venaient d’entasser leurs miches dans un fourgon et que nous avions repris notre marche, quelques centaines d’insurgés assaillirent notre colonne pour s’emparer de ce chargement. Ils étaient armés de fusils, si bien que nous eûmes une vingtaine de soldats tués dans la bataille, pour la plupart dépouillés de leurs armes, de leur argent, et atrocement mutilés.
    L’un de nos généraux, Baste, ne décolérait pas contre l’incurie de Dupont et l’absurdité de sa stratégie. Je l’entendis proférer des propos peu amènes :
    — La logique nous imposait de tenter de retrouver la division  Vedel  à La  Carolina ou au puerto del Rey, et voilà que Dupont nous fait marcher sur Andújar ! Quelle mouche l’a piqué ? Il semble oublier que les marins de la Garde chargés de se maintenir dans cette ville ont été massacrés ces jours derniers par les troupes de Castagnos et que, sans l’intervention d’un prêtre, la femme du général Chabert et nos blessés de l’infirmerie auraient connu le même sort…
    Ces contradictions, au plus haut niveau de notre armée, allaient nous coûter cher.

3
Une bataille incertaine
    À une vingtaine de lieues de Cordoue, Andújar, cité réputée pour ses oliveraies, ses maisons anciennes et son pont de quinze arches de marbre sur le Guadalquivir, n’a aucune vocation militaire. Le fleuve, guéable sur presque tout son parcours, ne constitue pas une défense efficace. Pour comble, la ville est dominée par des montagnes, repaire d’insurgés.
    Nous avions échappé à un piège en abandonnant Cordoue ; nous allions nous enfermer dans un autre, plus dangereux. Je n’étais pas le seul à penser que Dupont était victime de ces vents de la montagne, qui font perdre la raison.
    Nous allions, en pénétrant dans cette ville, éprouver une lourde déception. La population, comme à Cordoue, avait fui à notre approche, ne nous laissant en fait de subsistances que des olives et du vin, si bien que, dès les premiers jours, nous avons ressenti les prémices de la disette. La ration de pain fut réduite à un par jour pour seize hommes, avec une poignée de blé pour la soupe, à défaut de légumes. Quant à aller fourrager dans les parages, mieux valait ne pas y songer : ils étaient trop mal fréquentés… Ces privations ne tardèrent pas à entraîner des maladies, la dysenterie notamment, qui firent des centaines de victimes, pour la plupart de jeunes recrues, sans qu’on pût les soigner efficacement.
     
    Comme il devenait urgent de se procurer des vivres, Dupont envoya en direction de Jaén un escadron de six cents cavaliers assistés d’un canon, de quoi décourager les insurgés qui pullulaient dans les parages. La mission était de rapporter à tout prix des subsistances, au besoin par la force, le mot « réquisition » étant un euphémisme.
    Jaén, capitale de l’ancien royaume maure de Taifa, avait deux raisons de nous craindre : elle allait subir l’équivalent de l’assaut d’un nuage de sauterelles, car nous allions tirer vengeance de ce repaire de l’insurrection.
    Le général Baste arriva en vue de la ville sans avoir éprouvé d’alerte sérieuse, sauf quand une foule d’insurgés lui barra la route. Le canon, ayant balayé les premiers rangs et contraint le reste à la fuite, fracassa la porte principale, livrant la cité à nos hommes. Durant plus de deux heures, ils la mirent au pillage, sans épargner les récalcitrants qui avaient refusé de suivre le gros de la population, parti se réfugier dans la montagne ou la steppe à l’approche de notre cavalerie.
     
    Dès les premiers jours après le départ de notre corps expéditionnaire de Madrid, la communication avec le quartier général s’était faite hasardeuse, puis quasiment impossible, une fois passé la Manche.
    Tandis qu’il faisait reposer ses hommes à Tolède plus longtemps qu’il n’eût fallu, le général Vedel avait reçu l’ordre comminatoire de son supérieur de le rejoindre pour marcher sur l’Andalousie. Il s’en servit comme

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