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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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l’artillerie, à quoi s’ajoutait un ramassis de guérilleros et de miliciens. Ces chiffres semblaient exagérés, mais ils avaient malgré tout de quoi nous donner des frissons.
    — Il est grand temps, nous dit Dupont, de nous reprendre, avant d’être encerclés par cette horde. Préparez-vous à marcher vers la sierra Morena. Nous allons prendre position à Andújar et à Baylen.
    Un discours que j’aurais bien aimé entendre quelques jours plus tôt…
     
    Nous levâmes le camp à l’aube, mais l’armée ne vida entièrement les lieux qu’au soir tombant.
    Je revois notre général au bivouac, assis sur un tambour, immobile et muet, assistant à l’arrivée des derniers éléments : des fourgons fortement encadrés, chargés du butin, et des charrettes de femmes. Cette armée était dans un état pitoyable, les délices de Capoue ayant accompli leur œuvre néfaste. Notre départ ressemblait presque à une déroute.
    Quelle maladie, quelle blessure intime, quel secret inavouable accablait Dupont ? Il n’avait jamais été loquace, mais depuis le début de cette campagne il se comportait comme si cette mission le dépassait et qu’il portât le poids de l’Empire sur ses épaules. Peut-être avait-il simplement conscience de la gravité de notre situation. Il donnait l’impression non d’une fin de carrière promise au triomphe, mais d’une épreuve qui le dépassait. Il semblait ne manifester d’intérêt que pour le butin volé à Cordoue.
     
    Alors que nous cheminions vers Andújar par une canicule à faire rôtir des couleuvres, je songeais à Josefa.
    Avait-elle quitté Ciudad Real pour Madrid, comme je l’espérais ? Il eût été absurde d’en attendre des nouvelles, de vouloir lui en adresser, et plus encore de souhaiter la voir reparaître. Je me consolais en me disant que les événements avaient dû se charger de faire ce que, par lâcheté, je n’avais pas osé entreprendre : lui rendre sa liberté. Jeune et belle comme elle l’était, elle trouverait sans peine, me disais-je, un protecteur ou un mari. Le pécule dont je l’avais pourvue l’aiderait à survivre à notre séparation.
    Chargé de remettre des messages au général Vedel avec une vingtaine de cavaliers fortement armés, je fus surpris dans un méandre du Guadalquivir, non loin de San Antonio, par une centaine de guérilleros. Je rassemblai mes hussards et ordonnai la charge. Nous tuâmes une dizaine d’hommes, pour la plupart des paysans, des pâtres, des bûcherons et des moines, vrais ou faux, mais il y eut des victimes dans nos rangs. Je m’en tirai avec une balle d’escopette dans la cuisse.
    Plutôt que d’affronter de nouvelles surprises de même nature, je donnai à mes hussards l’ordre de rompre le combat. Ma blessure saignait abondamment et me faisait souffrir. Nous avions perdu deux de nos cavaliers, et quelques autres, plus ou moins grièvement blessés, réclamaient des soins immédiats.
    J’avais opté pour la solution la plus raisonnable. Notre général n’était pas de cet avis. Il s’emporta, menaça de me mettre aux arrêts, ce qui me laissa de glace.
    — Puymège, me dit-il, vous êtes un lâche ! J’attends votre rapport.
    — Il sera bref, répliquai-je. Nous étions vingt et nos agresseurs plus de cent. Mes hommes se sont bien défendus, mais, si nous ne nous étions pas retirés, nous aurions été exterminés. Il nous aurait fallu cinquante cavaliers, mais vous préférez les utiliser pour garder vos trophées !
    — Votre insolence dépasse les limites, capitaine Puymège ! Si Dieu nous permet de regagner Madrid, vous passerez en conseil de guerre et serez destitué ! L’armée n’y perdra pas grand-chose et je me ferai une joie d’arracher moi-même vos épaulettes…
    Une défaillance occasionnée par ma blessure me priva de réagir. Auguste Murel, qui m’avait fait transporter dans le fourgon affecté à l’infirmerie, parvint sans trop de peine à extraire le projectile en me torturant avec ses pinces et ses lancettes, au point que je perdis connaissance. Lorsque je me réveillai, le chirurgien se tenait à mon chevet.
    — Beaucoup de sang perdu, me dit-il, mais vous en avez de reste. Dupont est venu vous relancer. Je l’ai poliment éconduit. Il semble, monsieur, qu’il n’apprécie guère vos services…
    Ce garçon me plaisait. Vingt ans

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