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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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acceptée.
     
    Nous n’eûmes que plus tard des nouvelles de la division fantôme de Vedel.
    Elle avait quitté la veille son cantonnement de La Carolina et s’acheminait vers Baylen. Arrivée dans le village de Guarromán, à deux lieues de cette ville, elle avait fait halte pour se reposer et se rafraîchir, alors que le canon grondait au loin.
    Attirés par le chevrotement d’un troupeau de biques, des soldats sonnèrent l’hallali et en firent une boucherie. Vedel n’osa interrompre la curée, quitte à perdre quelques heures, le temps de faire des grillades.
    À cinq heures du soir, quand apparut son avant-garde, Vedel fut informé par des émissaires du général Reding que la bataille avait cessé à la demande des Français. Vedel envoya demander la confirmation à Dupont. Une heure plus tard, ne voyant pas revenir son aide de camp, il prit ses dispositions pour passer à l’attaque avec ses troupes fraîches. En moins d’une heure, profitant de l’effet de surprise, une charge à la baïonnette avait enlevé deux pièces d’artillerie, des drapeaux, et fait une centaine de prisonniers.
    Dupont avait-il demandé l’arrêt des combats dans le seul but d’attendre l’arrivée de Vedel, comme le bruit en courait, et de reprendre la lutte ? Nous en eûmes le démenti lorsque notre général somma Vedel de cesser à son tour le combat et de restituer ses prises à l’ennemi.
    Vedel ne pouvait se résoudre à ce qui ressemblait fort à une humiliante capitulation en rase campagne, ce qui ne s’était encore jamais vu dans les batailles impériales. Plus qu’une erreur, un crime ! Ses officiers et toute la troupe partageaient son indignation.
    Lorsque Baste lui porta le dernier message de Dupont, Vedel lui déclara :
    — Nous n’allons pas nous en tenir là ! Dites à votre général qu’il se prépare à reprendre l’offensive demain matin. Je lui donnerai le signal.
    Baste ne put rien tirer de Dupont, qu’il trouva tapi, tel un ours blessé, dans sa berline. Blessé, il l’était bel et bien, une balle l’ayant atteint aux reins alors qu’il parcourait le champ de bataille, lunette à la main, sur son cheval. Il se borna à déclarer qu’il ne pouvait renoncer à la parole donnée à Reding et qu’il ordonnait à Vedel de reprendre le chemin de la sierra Morena et de Madrid.
    Le message fut suivi d’un contrordre : Vedel devait rester sur place, les Espagnols ayant exigé que sa division fût comprise dans la suspension d’armes.
    De toute manière, il eût été impossible à Vedel de franchir le défilé de Despeñaperros, les troupes espagnoles lui en interdisant l’accès. Castagnos avait intercepté un message du quartier général de Madrid demandant à Vedel de regagner d’urgence la capitale pour combattre les insurgés de la Vieille-Castille et de la Galice. Libérer les deux divisions françaises pour leur permettre de réprimer l’insurrection ? L’état-major espagnol s’y refusait.
     
    Nous aurions pu, le temps que durèrent les négociations en vue d’un traité, mourir de faim et de soif et voir nos chevaux condamnés, si l’ennemi n’avait décidé de nous secourir.
    Les heures passaient, nous apportant des informations contradictoires sur le sort qui nous serait réservé. Le mot « capitulation » nous donnait des frissons, alors que « suspension d’armes » offrait l’espoir d’une reprise des combats, la prise de Baylen nous ouvrant les portes de l’Andalousie. J’appris que Dupont avait insisté auprès des généraux espagnols pour que la division Vedel retrouvât sa liberté de mouvement. Peine perdue !
    Ma blessure rouverte me faisait souffrir le martyre et la dysenterie me tordait les tripes. Ce n’est pas sans émotion que je dus me séparer de Capitan. Épuisé, privé d’eau et d’avoine, il s’était effondré pour ne plus se relever.

 TROISIÈME PARTIE

1
Les chemins de la honte
    Je n’ose penser à ce qui serait arrivé si nos deux divisions, au lieu d’être séparées, avaient dû prendre de concert le chemin de l’exil. Nos officiers et nos soldats se seraient affrontés pour se reprocher leurs erreurs et défendre leurs chefs, les responsabilités demeurant floues. Qui avait été la cause du désastre ? Dupont avec sa stratégie débile, ou Vedel avec ses atermoiements ? Et peut-être la vieille querelle qui opposait les deux

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