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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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de s’évader.
    Profitant de ce que le personnel de la felouque à voile débarquait la futaille contenant l’eau de la fontaine de Palma, ces hommes sautèrent dans l’embarcation proche du rivage, jetèrent l’équipage à la mer et, grâce à un vent favorable, purent quitter la baie sous nos vivats, auxquels ils répondirent par de sonores « Vive l’Empereur ! Vive la liberté ! », jusqu’à ce qu’ils eussent doublé la punta Pabellones et disparu. Par chance, le navire de surveillance se trouvait de l’autre côté de l’île.
    J’appris plus tard qu’après trois jours de mer, sans eau potable et sans nourriture, ils avaient touché terre à Barcelone, alors occupée par notre armée.
    Nous allions payer pour cet exploit, dont nous n’étions en rien responsables mais que nous aurions pu et dû éviter, semblait-il, ce qui était nous demander l’impossible. La fureur des messieurs de la junte n’eut d’égale que celle de notre  capell á n .
    L’équipage de la felouque fut le premier à éprouver les rigueurs de la justice palmesane, par un engagement forcé de deux ans dans la marine royale. Une mesure de rigueur nous interdit de rester sur le port lorsque se présentait un navire. Le châtiment aurait pu être pire, d’autant qu’il se heurta à notre mauvais vouloir.
     
    Fier de sa promotion de « caporal de la fontaine », Wagré ne changea rien à ses habitudes et ne réclama ni uniforme ni médaille. Il continua à vivre modestement, seul dans son logis coquettement réaménagé après le dernier ouragan. Il appelait « cottage » cette baraque édifiée au milieu d’un jardin entouré de plantes aromatiques et d’un potager, le tout ceint d’une forte palissade destinée à dissuader les pillards.
    Pris par la nostalgie de la boulangerie paternelle, il s’était construit un four. Lorsqu’il pouvait se procurer de la farine, il la pétrissait avec des pommes de terre râpées. La cuisson répandait une odeur si suave que je défaillais en la respirant. Il gardait une part de ses fournées pour des « capitalistes », ce qui arrondissait son pécule sans trop affecter sa conscience.
    Croire que le caporal de la fontaine se contenterait de ces modestes fonctions eût été mal le connaître.
    Il avait fait la connaissance d’un jeune sergent de l’armée Dupont, Jules Bonnier, vannier de son état, qui lui apprit comment confectionner paniers, corbeilles, paravents, chapeaux de soleil, sandales de corde…
    Ils installèrent leur atelier à l’arrière de l’amirauté, sous un auvent de branchages. La clientèle ne tarda pas à affluer, au grand dam de madame Daniel, qui exerçait le même artisanat.
    Wagré eut la chance de découvrir sur le sol, au cours d’une promenade sur le port, ce qu’il prit pour un bouton d’uniforme et qui était un napoléon d’or de vingt francs, une fortune à l’aune de Cabrera ! Il changea son trésor chez un usurier, régla quelques dettes, s’offrit une bouteille de malaga qu’il but avec Bonnier et négocia l’achat d’habits convenables auprès de prisonniers récemment arrivés d’Alicante. Ce qui lui restait fit les frais d’un réveillon de Noël dans son cottage, auquel il nous convia.
    Sacré Wagré ! Toujours la proie d’une sorte de fièvre d’entreprise, il laissa Bonnier s’occuper seul de l’atelier de vannerie, jugé peu rentable pour la peine qu’il se donnait, et se mit, moyennant un salaire, à la tête d’une vingtaine d’hommes de confiance pour assurer au mieux la distribution des vivres qui, avant lui, était sujette à contestation, sinon à malversation.
    Ces opérations y gagnèrent en rigueur et en efficacité, mais cette occupation lucrative lui valut des jalousies et des récriminations, d’autant qu’il n’inspirait pas la pitié, face aux miséreux qui se pressaient à son banc.
    Une altercation avec un grenadier de la Garde qui s’estimait floué faillit mal tourner. Après une explication orale, ils en étaient venus aux mains et décidèrent de régler leur différend par un duel.
    Un duel à Cabrera ! Le premier dans notre île. La question des armes se posa d’emblée. Comme nous ne disposions pas d’armes blanches et moins encore de pistolets, il fut convenu qu’ils se battraient avec les moyens du bord : des perches cloutées à leur extrémité. Des armes de sauvages, sans

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