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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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terrasse, son mouchoir sur le nez, les épaules secouées de spasmes.
    Gille, qui ornait souvent de grands mots des choses simples, nous dit en se dégageant de notre étreinte :
    — J’aurai, dans mon exil, pour me consoler et me souvenir de vous, les croquis que j’ai faits de cette île et vos portraits à la mine. Je ne m’en séparerai jamais !
    Le jour du départ, d’un commun accord, nous nous sommes abstenus de descendre au port, afin d’éviter de nouvelles effusions de larmes. En revanche, nous sommes restés sur la terrasse tout le temps de l’embarquement. La musique militaire accompagna le navire jusqu’à ce que la pointe du cabo Debeig l’eût fait disparaître à nos yeux.
    Une quinzaine plus tard, un navire qui n’était pas celui de Nicolas Palmer jeta l’ancre au large de l’amirauté. Des chaloupes s’en détachèrent, chargées de prisonniers en civil, hébétés, qui s’entassèrent sur la grève. Il s’agissait, nous dit un officier, d’un convoi de prisonniers politiques et de condamnés de droit commun, étrange conglomérat de mines patibulaires, qui allaient prendre la place de Gille et de ses compagnons.
    Nous n’allions pas gagner au change.
     
    Un matin de mai, alors qu’avec Édith, Auguste et moi nous livrions, dans le plus simple appareil, à nos ablutions coutumières, j’aperçus trois ou quatre hommes torse nu qui dévalaient, à travers la broussaille et les rochers, en chantant et plaisantant, la pente qui mène à notre crique. Arrivés sur les rochers qui la dominent, ils s’assirent et nous observèrent. Je fis signe à mes amis de me rejoindre et de revêtir leurs hardes.
    — Nous allons avoir, leur dis-je, à nous méfier. Ces visiteurs ne m’inspirent pas confiance.
    J’ordonnai à Édith de s’éloigner de la grève le plus possible et de se jeter à l’eau en cas d’alerte, pour ne revenir que lorsque ces hommes se seraient retirés.
    À peine nous avait-elle quittés que l’un des trois hommes descendit de son perchoir pour s’avancer vers nous. Rien, dans sa tenue et son allure, bien qu’il fût mal rasé, ne présentait de signe qui pût nous inquiéter. Il nous demanda, dans un mauvais français, ce que nous comptions faire des algues que nous avions commencé à récolter ; nous lui expliquâmes à quoi nous les destinions.
    Ses traits se figèrent quand, tendant un bras vers le rocher où se trouvait Édith, il aboya quelques mots pour nous faire comprendre qu’il était honteux qu’une femme s’exposât nue à la vue d’ apacibles   pascantes , de paisibles promeneurs.
    Je le vis avec stupeur sortir une navaja de sa ceinture, prendre Auguste par les cheveux, lui renverser la tête en arrière et lui mettre la lame sur la gorge, avant de me faire comprendre qu’il voulait qu’Édith revienne. J’allais me ruer sur lui, mais ses deux complices apparurent à ses côtés et me maîtrisèrent sans peine, le nez dans le sable. L’un de ces brigands se détacha pour aller chercher sa proie. J’eus le temps de crier à Édith de sauter à l’eau, mais un coup de galet sur la nuque me fit perdre connaissance.
    Lorsque je retrouvai mes esprits, j’étais encore allongé sur le sable, la tête sur les genoux de ma compagne. Elle me fit boire quelques gorgées d’eau à la gourde. Auguste, adossé à un rocher, inanimé, la tête inclinée sur une épaule, paraissait dormir. Était-il mort ? Édith me rassura. Il avait reçu, comme moi, un coup qui l’avait assommé.
    Quant à Édith… Lorsque je lui demandai, sur le chemin du retour, comment ces brutes s’étaient comportées, elle me répondit qu’elle souhaitait qu’on ne lui parlât plus de cet incident, afin qu’elle puisse l’oublier. Ce n’était pas mon avis. Ne pas réagir eût été lâche et n’eût servi qu’à encourager les auteurs de cette agression à la récidive.
    Le soir même, en compagnie d’Auguste, tous deux encore sous le coup de la douleur et de la honte, nous avons informé le Conseil de cet attentat.
    — Ces brigands ! s’écria Wagré, non seulement ils pillent mais ils violent ! C’en est trop. Il faut les retrouver et les punir. Sauriez-vous les reconnaître ?
    — Aussi sûr que je te vois ! lui répondis-je.
    — Alors, c’est comme s’ils avaient déjà la corde au cou…
    Le lendemain, au moment de la

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