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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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envie de les lui enlever d’un geste paternel avant de le renvoyer jouer. Margont avait pris son expression pour de la déception. Ce n’était pas cela. Plutôt de la culpabilité. Il semblait sur le point de s’excuser. Il dégaina son sabre et s’approcha du capitaine pour l’exécuter. Margont se rua sur lui. Le Russe brandit sa lame, mais le Français le percuta et son coup d’épaule le projeta à terre. Ce choc raviva la douleur dans le dos de Margont qui eut l’impression que son adversaire était malgré tout parvenu à lui plonger son sabre dans la colonne vertébrale. Il y eut un flottement dans l’attaque cosaque, nettement perceptible par l’extinction des « Hourra ! » Les Russes décidèrent de lâcher prise. Ils commencèrent à refluer vers le bois qui les avait jetés dans la plaine. Un cavalier s’arrêta à côté de l’adolescent et lui cria quelque chose en lui tendant le bras. Le jeune homme secoua la tête et fit à nouveau face à Margont. À défaut d’un captif, il rapporterait les belles épaulettes arrachées au cadavre d’un officier. Margont se débarrassa sans mal de la ceinture qui lui entravait les mains. Il ne restait presque plus de cosaques. L’un d’eux abandonna le groupe en fuite et revint au galop vers le convoi. La cinquantaine, barbu, les cheveux roux ondulés, il jeta son cheval entre les deux adversaires, le fit se cabrer et saisit l’adolescent, plus par la peau du cou que par le col. Ce dernier cria, mais se jeta prestement en croupe. Ils s’enfuirent au moment où les Polonais atteignaient les canons et embrochaient les derniers Russes comme on le fait des poulets et des dindes à Noël : en série et sans jamais s’estimer rassasié. Saber, alerté par les coups de feu, était lui aussi de retour. Sa bête, épuisée, acheva les derniers mètres au pas, sa démarche affaiblie contrastant avec les efforts de son cavalier pour la lancer à la poursuite de l’ennemi.
    — Tu as vu ça, Quentin ? Ils ont fait exprès d’attaquer après mon départ.
    Saber croyait réellement être connu dans toute cette partie-ci de la Russie et que les cosaques, discutant entre eux, se disaient parfois : « Attaquons donc ce convoi, il est mal gardé », « Non, l’ami, car le lieutenant Saber est avec eux », « Ah ! Si Saber y est, alors n’y pensons plus ». Margont marchait avec peine et cherchait à retrouver son épée, son shako, sa monture et sa fierté. Il lui aurait fallu un bon lit douillet, oui, c’était exactement ça, un bon lit douillet. Saber le toisa.
    — C’est la deuxième fois que les cosaques te désarçonnent, non ? La prochaine fois, jette-toi directement par terre, tu gagneras du temps.
    Saber essayait souvent d’éclipser ses amis par ce genre de petites phrases assassines. Pour lui, la gloire ne se partageait pas. Tout homme possède ses limites, aussi Margont s’avança-t-il vers Saber pour le saisir par la manche et le désarçonner, histoire de voir lequel des deux serait le prochain à se retrouver au sol. Saber jugea préférable de s’éloigner. Von Stils revenait, hautain. Du sang maculait son lourd sabre de cavalerie. Il mit pied à terre et empoigna la tunique d’un cosaque mort pour y essuyer sa lame.
    — J’en ai tué deux. J’ai imaginé que je chargeais des hussards français.
    Margont le contempla froidement.
    — Puisque vous nous détestez tant, pourquoi ne rejoignez-vous pas les Russes ? Au lieu de salir cette tunique, enfilez-la.
    Le Saxon rengaina son sabre brutalement, faisant claquer la garde contre le fourreau.
    — Un Saxon arbore un uniforme saxon et obéit au roi de Saxe.
    — Être fidèle à ses idéaux ou à son devoir... J’aurais choisi les idéaux. Un coup de sabre a fait sauter votre épaulette à franges.
    Von Stils regarda son épaule gauche.
    — Non contents d’essayer de m’embrocher, voilà qu’en plus ils me dégradent !
    Margont et von Stils vinrent en aide aux blessés. Saber aboyait des ordres pour faire placer une pièce en batterie. Les artilleurs se pressaient, poussaient péniblement les roues, s’affairaient à apporter des boulets. Leur bonne volonté était évidente, mais Saber les noyait sous les injures : « fainéants », « maladroits »... Pourtant, il y avait peu de chances que les cosaques reviennent. Tant d’efforts pour dételer cette pièce, la mettre en position et la charger avant de la décharger sur les fourmis et de l’atteler à

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