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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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coup de crosse et irait se recoucher. Dépenaillé et furieux, il rejoignit Margont. Ce dernier était déjà à cheval et tenait une seconde monture par la bride.
    — Tout le monde dort ! protesta Lefine à voix basse tout en désignant la prairie d’un large geste.
    Celle-ci était couverte de tentes et de corps reposant à la belle étoile. Margont ne l’entendit même pas. Son idée accaparait ses pensées.
    — Tu te souviens des taches d’encre sur les doigts de la victime ? Mais si, je t’en ai parlé.
    — Oui, et alors ?
    — Un journal intime ! Je suis sûr qu’elle rédigeait un journal intime ! Tout se tient. Elle appréciait les recueils de poèmes romantiques, elle qualifiait de « prince charmant » l’homme pour lequel elle éprouvait des sentiments : tout à fait le genre de personne à...
    Il s’arrêta net. Il venait de repenser à la trace de sang mal effacée sur le verrou de la malle. Peut-être Maria Dorlovna avait-elle parlé de ce journal à son assassin. Une fois sa rage meurtrière retombée, ce dernier s’en était inquiété. Sa victime pouvait avoir noté son nom, son grade, son régiment... Il avait donc fouillé la pièce. Les vêtements ne présentaient aucune tache. Il avait dû ouvrir le verrou et, réalisant qu’il allait laisser des empreintes, il était allé se laver les mains pour que l’on ne sache pas qu’il cherchait quelque chose. Puis il avait repris ses investigations. Mais si ces suppositions étaient justes, malgré son crime, cet homme avait conservé un calme tel qu’il avait été capable de déplier et replier chaque vêtement. Une pareille maîtrise de soi paraissait inconcevable à Margont. Ou plutôt, il ne voulait pas la concevoir.
    — La question est : a-t-il trouvé ce journal ? se murmura-t-il à lui-même.
    Lefine utilisait ses doigts en guise de peigne.
    — Et vous voulez qu’on aille chercher ce carnet ? Mais demain matin, il sera encore là où il est, maugréa-t-il.
    — En selle ! Et ne me traite pas d’ingrat : en remerciement de ton aide, je t’offre ce cheval. Un Polonais me l’a vendu une fortune.
    Lefine caressa l’encolure de la bête et lui plia une jambe afin d’examiner le fer.
    — En selle, Fernand ! Tu ne connais pas ce proverbe : « Quand on t’offre un cheval, ne lui examine pas les dents » ?
    Lefine obéit, remettant à plus tard l’estimation de son nouveau bien.
    — Si ce journal existait, l’assassin ou vous, vous l’auriez trouvé. Pourquoi cette Polonaise l’aurait-elle caché alors que personne ne venait chez elle ?
    — Cela faisait partie du jeu. Tant qu’à écrire un journal intime, on ne le laisse pas traîner sur une table, on le dissimule avec soin. On voit que tu ne connais pas bien les femmes.
    — Les femmes que je fréquente n’ont plus rien d’intime, ni journal, ni... Enfin voilà, quoi.
    Margont réveilla les grenadiers de la Garde royale en tapant dans ses mains et en leur parlant à toute allure. Les Italiens le considérèrent avec une colère mêlée de crainte. Pour eux, nul doute que cet homme exalté en pleine nuit était fou à lier. Les deux Français gagnèrent seuls la mansarde. Margont s’attaqua au lit dont il entreprit de soulever le matelas. Lefine, lui, dégaina son couteau pour en promener la lame dans les interstices du plancher.
    — Si ça se trouve, on va mettre la main sur un bas de laine empli d’or..., ânonna-t-il entre deux bâillements.
    Au bout d’une heure, ils n’avaient rien découvert. Lefine s’adossa à un mur.
    — Il faut savoir être bon perdant. On retourne se coucher ?
    — Tu auras bien le temps de dormir tout ton soûl quand tu seras mort. J’avais pensé que toi, qui possèdes un sens pratique si développé, tu aurais deviné où se trouvaient les meilleures cachettes.
    — Sais rien du tout, soupira Lefine.
    — Fais preuve d’imagination, demande conseil à mon oncle de Louisiane.
    — Ah, celle-là, elle était excellente ! Si vous aviez vu comme la plume de cet adjudant s’agitait !Elle crissait de joie et cet idiot, tout heureux à l’idée de faire plaisir à son maître, souriait comme un toutou remue la queue.
    Margont croisa les bras.
    — Si cette chambre était la tienne, où cacherais-tu ton journal intime, celui dans lequel tu consignerais les sommes perçues pour la vente des confessions que je t’avais faites par amitié ?
    — Là où personne ne penserait à venir le chercher.

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