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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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deux. Margont lui tendit finalement quelques pièces et parvint à lui faire croire qu’en cas de refus, il ferait pendre ces maudits bestiaux pour couper court à toute discussion. Les deux arguments portèrent, surtout le premier, et les trois hommes s’éloignèrent de la foule.
    — Commence par la fin.
    Les doigts noueux tournèrent les pages.
    — C’est une femme qui raconte sa journée.
    Le Polonais parlait d’une voix chevrotante. Margont acquiesça plusieurs fois pour l’inciter à accélérer.
    — « 27 juin. Il m’est arrivé une chose incroyable, merveilleuse. J’allais au marché et j’avais encore d’autres courses à faire. Il y avait beaucoup de soldats dans les rues. C’était désagréable de sentir tous ces regards posés sur moi et d’entendre leurs rires. Je ne comprenais pas leurs plaisanteries, mais il était facile de les deviner. Presque tout ce que je voulais acheter avait été vendu et ce qui restait coûtait quatre fois le prix habituel. Un grand soldat... »
    Le vieil homme s’interrompit.
    — Là, je ne sais pas le mot français. C’est la couleur des cheveux qui ressemble à rouge.
    — « Roux », oui, « roux ». Continue.
    — « Un grand soldat roux est arrivé. Il avait bu et parlait fort. Il a attrapé ma robe et a dit quelque chose avant d’éclater de rire. Je crois qu’il disait qu’il voulait l’acheter. Il a commencé à la relever, on voyait mes mollets. J’avais très peur, j’ai crié. Je pense que des soldats lui disaient d’arrêter, mais ils avaient peur de lui. Moi, je me suis mise à pleurer et à me... » Quand on bouge dans tous les sens, expliqua le Polonais en agitant le poing.
    — « Débattre » ou « défendre ». Ne t’arrête pas à chaque mot qui te pose problème : poursuis ta lecture.
    — « Alors un homme est arrivé. Il a parlé et le soldat m’a lâchée. Celui qui m’avait agressée criait. Mon sauveur était calme. Il était grand et bien habillé. Le soldat a voulu lui donner un coup de poing. Mon sauveur l’a frappé avec sa canne et l’autre est tombé. Ensuite, il m’a donné son bras pour me raccompagner. Il ne parlait pas polonais, mais connaissait un peu l’allemand et nous avons pu discuter. Il s’appelle Pierre Acosavan. Il est gentil, poli et il m’a fait rire avec des plaisanteries. Il aime la poésie lui aussi. Il avait l’air de m’apprécier. Il m’a dit qu’il devait suivre l’armée, mais il m’a promis qu’après la campagne, il reviendrait me voir à Tresno. Je ne sais plus qui a eu l’idée le premier, mais nous nous sommes donné rendez-vous chez moi demain soir. Je rougis encore d’avoir accepté. Mais on ne peut pas aller ailleurs : partout il y a des soldats qui ont trop bu. Je lui ai bien fait comprendre que c’était juste pour discuter. Mon Dieu, comment ai-je pu inviter un inconnu chez moi ? Il y aura énormément de monde à l’auberge. S’il se comporte mal, je n’aurai qu’à crier. Mais je m’inquiète toujours pour tout, je suis sûre que tout se passera bien. En chemin, il s’est passé un événement incroyable. Un cavalier est arrivé au trot. Il regardait de tous les côtés. Soudain, il s’est précipité vers M. Acosavan. Il a salué et l’a appelé “Mon colonel”. Je n’ai pas saisi la suite, mais je suis sûre d’avoir compris “mon colonel”. M. Acosavan lui a coupé la parole. Il m’a dit au revoir en souriant, m’a promis de revenir le lendemain et il est parti avec le cavalier. Mon sauveur est colonel ! C’est à peine croyable. J’espère qu’il viendra demain. »
    Le Polonais releva la tête et sourit, satisfait.
    — C’est tout ? l’interrogea Margont.
    — Oui. Il n’y a pas de suite.
    Margont le remercia et s’en alla en compagnie de Lefine.
    — À ma connaissance, il n’y a aucun colonel Acosavan dans le 4 e corps. C’est certainement un faux nom, mais tu vérifieras tout de même.
    Lefine était pâle.
    — On cherche un colonel ? Vous devez dire au prince Eugène qu’il faut vous remplacer.
    Margont pivota sur les talons pour faire face à son ami.
    — Sûrement pas ! Le prince aurait fait arrêter un capitaine pour un tel crime, mais un colonel...
    — Soit ce n’est pas un colonel de grande réputation et il ira en prison. En fait, on lui conseillera plutôt de se suicider avant le procès afin d’éviter un scandale qui souillerait l’armée. Soit c’est un colonel fameux et

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