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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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les emplois du temps de pas mal de suspects aux alentours de minuit. Seuls les quatre qui restent ont quitté leur régiment ce soir-là sans qu’on ait pu apprendre où ils se sont rendus.
    — Donc il y a de grandes chances que l’assassin soit l’un de ces hommes. Parfait. Je veux tout savoir d’eux. Leur biographie, leur carrière, leurs amis, leurs loisirs, leurs projets, leur tempérament...
    Lefine secoua la tête pour déclarer forfait.
    — Oh si, Fernand, tu vas continuer à me seconder. Je ne t’ai pas encore pardonné ta trahison et, de toute façon, c’est un ordre.
    — C’est de l’abus de pouvoir.
    — Le prince Eugène m’a promis une belle prime, rappelle-toi. Je t’en offre la moitié. Oui, je sais, cela couvrira à peine tes frais. Je te signale que tu as la chance de ne partager que l’argent en cas de succès et pas les sanctions en cas d’échec. Tu vas me trouver huit hommes, deux pour chaque suspect, aussi débrouillards que toi. Mais moins cupides, autrement, effectivement, tes frais seront incontrôlables.
    Lefine avait cet air soucieux du joueur de cartes qui voit les enchères monter trop rapidement pour lui.
    — C’est bien trop de travail ! Et puis, je ne connais pas de tels hommes.
    Margont hocha la tête pour l’encourager.
    — Non. Mais tu sais diablement bien les repérer et les convaincre de faire ce que tu attends d’eux. Et trouve-moi des gens discrets et sûrs ! Autrement, à défaut d’or, tu n’auras que le plomb que m’aura délivré le peloton d’exécution et il te faudra encore inventer la pierre philosophale pour le changer en or.
    Lefine était furieux. Il abusait souvent de la générosité de ses amis, mais, bien évidemment, se sentait ulcéré
     quand on lui rendait la moitié de la pareille. Il plissait les lèvres et une sueur crasseuse emportait la poussière qui maculait son visage.
    — C’est de l’abus de pouvoir !
    — Va te plaindre au colonel Delarse, il n’y a qu’une chance sur quatre qu’il te coupe la gorge.
    Margont enfourcha son cheval. Enfin il allait briser la gangue de monotonie qui entravait son esprit.
    — Je veux que ceux que tu choisiras surveillent les suspects jour et nuit ! Moi, je vais tenter de mettre des visages sur ces noms.
    Sur ce, il s’élança au galop. Lefine donna un grand coup de pied dans l’un des murs de l’isba et celui-ci faillit lui tomber dessus.
    *
*   *
    Margont décida de commencer par le colonel Barguelot, du 9 e de ligne. Il remonta au galop les colonnes des régiments et des escadrons et les convois de canons, de caissons et de fourgons. Les effectifs étaient toujours incomplets. De nombreux cavaliers allaient à pied, certains portant leur selle sur l’épaule. Partout gisaient des cadavres de chevaux que l’on avait repoussés sur le bord de la route. Margont se demanda comment son cheval pouvait supporter une vision pareille. Il dut sacrifier deux heures afin de s’assurer une bonne couverture. Il chevaucha jusqu’au médecin principal Gras, qui dirigeait les médecins du 4 e corps. Il lui présenta une lettre rédigée par Jean-Quenin Brémond. Celui-ci prétendait mener une étude sur les risques de propagation du typhus dans l’armée et demandait que le porteur de sa missive soit autorisé à interroger médecins et officiers supérieurs sur ce sujet. Le médecin principal Gras accepta à condition que l’état-major du 4 e corps soit d’accord. Margont décida d’utiliser le document signé par Triaire pour s’éviter cette démarche, mais il dut tout de même exposer le motif de sa visite à l’un des aides de camp du général Broussier, qui commandait la 14 e division. Sa requête fut transmise au général qui l’accepta à son tour... à condition que chaque général de brigade soit informé de ce recueil de renseignements. Le général Bertrand de Sivray, qui commandait la 1 re brigade de la 14 e division, était malheureusement très ami avec le colonel Pégot, du 84 e , et assomma Margont de questions. Oui, le colonel Pégot allait bien. Oui, lui aussi était très préoccupé par le manque de ravitaillement et les désertions. Oui, il avait autorisé la formation de détachements pour le maraudage. Non, il ne pensait pas que le choc avec l’armée russe fût imminent. Oui, l’expression de vos amicales salutations lui serait transmise. Lorsque Margont put enfin disposer, il dut encore interroger le colonel Gaussard, du 18 e léger, ainsi

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