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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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surtout, n’hésitez pas à détailler les événements. Paradoxalement, plus il y aura de détails et plus j’y verrai clair.
    — Soit. Cette affaire a eu lieu environ une semaine avant le meurtre de la Polonaise. Notre corps était encore en Pologne et on achevait les derniers préparatifs. L’Empereur voulait être tenu au courant de tout. Chaque sujet retenait son attention : la quantité et la qualité des troupes, la valeur des officiers, l’approvisionnement, les réserves de munitions, l’artillerie, l’habillement, le respect des privilèges accordés à ma Garde royale, la solde, le maintien de la discipline, les relations avec la population polonaise... Et Sa Majesté ne supportait ni les délais, ni les approximations, ni les réponses décevantes ! Bref, mon état-major et moi-même, nous étions sans cesse sollicités. Je veillais donc à faire organiser régulièrement des distractions. Un esprit qui s’amuse de temps en temps travaille mieux que celui qui est constamment soumis à la pression.
    Le prince adressa un nouveau regard contrarié en direction du pauvre Triaire qui tentait de réguler le flot des missives.
    — Un soir, une grande réception fut donnée par la comtesse Nergiss, une sympathisante polonaise. Il faut que je vous précise que je n’étais pas à l’origine de cette soirée. Celle-ci fut entièrement décidée et organisée par la comtesse. Il y avait quatre cents invités au bas mot. Vous y étiez, peut-être ?
    — Hélas non. Je n’étais pas assez gradé pour y être convié.
    — Mettez la main sur notre assassin et vous ne connaîtrez plus ce genre de déceptions.
    — J’ai eu des échos de cette fête, mais je n’ai pas entendu parler d’un crime...
    — Laissez-moi poursuivre. La comtesse Nergiss est riche comme Crésus et elle ambitionne une promotion extravagante pour son général de mari. Elle espère que, si le général prince Poniatowski vient à être blessé ou tué, son époux le remplacera à la tête du 5 e corps, le corps polonais. Rien que ça ! Elle préparait donc sa réception depuis des semaines, avant même l’arrivée de la Grande Armée en Pologne. À son grand dam, l’Empereur lui fit savoir au dernier moment qu’il ne pourrait venir. Il se trouvait en effet avec le gros de l’armée, bien trop au nord du château. Seul le 4 e corps campait à proximité. La comtesse reporta donc ses calculs sur moi, en espérant que je servirais sa cause auprès de Sa Majesté. Pour rendre son jeu moins voyant, elle avait décidé de m’éblouir. J’avoue qu’elle y réussit fort bien. Quel faste !
    Le prince avait pourtant l’habitude de ce genre de soirées. Margont se dit que la comtesse avait dû battre des records d’extravagance.
    — Elle avait invité la totalité – la totalité ! – de mes officiers supérieurs.
    Margont s’efforça de dissimuler son trouble. Ses suspects avaient donc tous été conviés à cette réception.
    — Chaque invité pouvait se faire accompagner d’une à trois personnes. Lorsque je suis arrivé – en retard, car on m’informait d’un problème de dernière minute pratiquement chaque minute –, ce fut pour découvrir une foule d’officiers, de nobles polonais, de notables, d’épouses, d’enfants, de soldats en faction... Le tout choyé par une armada de domestiques. Essayez de vous figurer un immense château. Comme la nuit était dégagée, la comtesse avait fait installer à l’extérieur d’interminables buffets polonais, français, italien, danois, indien, créole... Des valets assuraient l’éclairage en se tenant immobiles, une lanterne à la main. N’importe quelle personne sensée aurait planté des piquets pour y accrocher les lanternes, mais non ! Pourquoi faire des économies quand on peut gaiement jeter l’argent par les fenêtres ? Des orchestres, éparpillés dans le parc, donnaient des concerts tandis que des feux d’artifice crépitaient dans le ciel. Pour saluer mon arrivée, les artificiers déclenchèrent une brève illumination des alentours grâce à des cascades d’étincelles et à des milliers de feux et de lumières. On se serait cru à l’époque des fêtes du Roi-Soleil. C’était même mieux qu’en ce temps-là, car, cette fois, le Roi-Soleil, c’était moi.
    Margont cligna des yeux. Comment pouvait-on être aussi riche ? Et comment pouvait-on gaspiller ainsi des fortunes ?
    — Ce n’était même plus luxueux, c’était grotesque,

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