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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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mari – que le 4 e corps transiterait non loin de son château, elle s’était renseignée sur mes goûts. Elle avait alors fait un pont d’or à cette troupe pour qu’elle vienne jusqu’en Pologne. Cela dans l’idée que je serais plus facile à manipuler que l’Empereur. Comme au billard, elle voulait atteindre Sa Majesté indirectement et moi, j’étais la bande. Quels calculs, quelle détermination. Fasse le ciel que je n’aie jamais une telle femme pour ennemie !
    Le prince marqua une pause. Lorsqu’il reprit, il parlait plus vite.
    — La représentation dura une bonne heure et demie puis les acteurs se mêlèrent aux invités. Élisa fut poignardée un moment plus tard, dans l’une des chambres du château qui lui servait de loge. Elle s’était absentée pour ôter son costume de scène.
    Le récit s’était nettement accéléré. Raconter la fête, oui ; raconter le meurtre, une autre fois.
    — La comtesse nota que la jeune actrice qu’elle s’était si coûteusement procurée tardait à reparaître.
    Elle envoya sa gouvernante « s’assurer que mademoiselle Lasquenet ne manquait de rien ». La domestique revint l’informer que personne ne répondait à ses appels. Elle n’avait pas osé ouvrir la porte. La comtesse se rendit elle-même dans la chambre et découvrit le corps. Quelle maîtrise ! Elle ne cria pas, ordonna à son maître de cérémonie de garder l’entrée de la pièce et vint m’informer du drame. Tout juste était-elle pâle. Elle me supplia de ne pas ébruiter cette affaire afin de préserver sa réputation. J’acceptai avec soulagement, car j’avais déjà bien assez de problèmes avec la campagne sans que, par-dessus le marché, mes officiers se suspectent les uns les autres. La comtesse continua à orchestrer la soirée dont elle précipita cependant la fin. À ceux qui lui réclamaient mademoiselle Lasquenet, elle déclarait que la jeune interprète était souffrante et se reposait. Aucun invité ne se rendit compte de quoi que ce soit !
    « Plutôt que son mari, c’est elle qui mériterait de remplacer éventuellement le général Poniatowski à la tête du 5 e corps », songea Margont.
    — Elle avait payé les acteurs pour qu’ils déclament, elle les paya le double pour leur imposer le silence. De mon côté, j’informai les autorités polonaises en leur réclamant la plus grande discrétion. Le coupable fut heureusement arrêté le lendemain.
    — Vraiment ? s’étonna Margont.
    — Il a avoué le crime ! C’est un Polonais désoeuvré et instable. Un aliéné qui a déjà été enfermé plusieurs fois. Il s’est fait passer pour un domestique et s’est fondu dans la foule des serviteurs, ce qui lui a permis d’arriver jusqu’à mademoiselle Lasquenet.
    « Voilà pourquoi il a si longuement insisté sur les domestiques : il ne voulait pas seulement me convaincre, il voulait nous convaincre tous les deux », pensa Margont.
    — Pourquoi a-t-il assassiné cette actrice, Votre Altesse ?
    Le prince Eugène était étonné.
    — Pourquoi ? Allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un fou !
    Évidemment. C’était si simple. Cet esprit troublé pouvait bien être le coupable. Tout comme il pouvait être le bouc émissaire idéal d’enquêteurs désireux de satisfaire le prince.
    — J’écoute Votre Altesse.
    — Mais mon récit est terminé. Votre mission et ce crime n’ont probablement rien à voir.
    Eugène se leva. Cette façon de voir les choses lui convenait mieux. Margont intervint à nouveau.
    — Je souhaite vivement poser quelques questions à Votre...
    — Vous avez dit quelque chose, soldat ? le coupa le prince.
    Effectivement, Margont était un soldat. Cependant, la phrase pouvait également signifier qu’en insistant, Margont risquait de perdre ses épaulettes et de voir sa solde divisée par vingt. Celui-ci sentit qu’il arrivait à un moment clé. Il lui était impossible de mener efficacement ses investigations dans de telles conditions. Soit il faisait plaisir au prince et sabordait ses recherches, soit il faisait face. Eugène se comportait de manière complètement contradictoire. D’un côté, il désirait que les meurtres de cette comédienne, de Maria et de la sentinelle soient élucidés. De l’autre, il redoutait d’envisager l’hypothèse que l’un de ses officiers soit un criminel. Saber parlait toujours de plans, de tactiques... Margont pensa que son ami aurait été fier de lui en cet

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