Les Rapines Du Duc De Guise
froid
était pure folie ! Et surtout, elle allait rester seule, tristement seule.
— Combien de temps vous faudra-t-il, mon
ami, pour arriver là-bas, avec ce temps ? demanda-t-elle enfin d’une voix
égale.
— Huit jours, au moins. Plus certainement
deux semaines. J’irai le plus vite possible.
— Et combien de temps resterez-vous
absent, François ?
— Je ne sais pas, j’ignore ce qu’on me
veut. Un mois ? Deux mois ? Plus, peut-être. Je vous enverrai un
courrier.
Pourquoi allait-il à Paris ? se
demandait-elle. Ils avaient été chassés de la cour. C’était une grande misère
pour elle qui aimait tant les bals. Depuis quatre ans, elle se morfondait ici, loin
de ses amies. Le roi rappelait-il son mari ? Tout en sachant qu’elle n’obtiendrait
rien de lui, elle espérait une confidence. Son époux était bien trop secret, trop
calculateur, pour se confier à quiconque. Ainsi, il ne lui avait jamais parlé
du contenu des lettres qu’il lui donnait, et qu’elle joignait au courrier pour
son père.
— Les routes ne sont pas sûres, François.
Il vous faut une escorte nombreuse et bien équipée.
— Je sais me défendre et j’ai besoin de
reprendre l’entraînement, ma mie. Ceux qui s’attaqueront à moi le paieront cher,
répliqua-t-il avec un sourire cruel. Dimitri m’accompagnera, il vaut dix hommes.
Le Gascon qui m’a apporté cette lettre, un nommé Cubsac, rentrera avec nous à
Paris. Je crois que je peux compter sur lui. Je n’ai donc besoin que de mon
valet de chambre et d’un homme d’armes. Nous voyagerons à cheval avec des
bagages sur deux bêtes de monte.
— Vous logerez chez mon père ?
— Non, je préfère qu’on ignore ma
présence. J’irai chez Ludovic da Diaceto, rue du Temple. Si je dois rester à
Paris, je ferai meubler notre maison de la rue de La Plâtrière. Vous pourrez m’écrire
là-bas. Il y a suffisamment d’hommes d’armes ici pour défendre le château mais,
aux beaux jours, partez à Maillebois. Vous y serez mieux. Vous savez où est mon
coffre, je vous le confie.
Elle hocha la tête avec un demi-sourire. Au
moins, il lui avait toujours fait confiance pour son argent.
Car O était riche. Dépensier, certes, mais
aussi bon économe. Dans son coffre se trouvaient plus de soixante mille écus, dont
encore les vingt mille écus que le roi lui avait donnés à son départ. Il
disposait aussi de soixante mille livres de rente auxquelles s’ajoutaient les
quarante mille qu’il avait reçues en vendant sa charge de maître de la
garde-robe royale. Il touchait également une pension de quatre mille écus, que
le roi ne lui payait, hélas, pas tous les trimestres, car l’État était en
grande disette financière.
— Vous passerez à Caen ? demanda-t-elle.
— Oui, je dormirai au château demain et j’en
profiterai pour voir mon frère.
— Il sera content de votre visite, sa maladie
le mine et m’afflige fort.
Il la salua à nouveau cérémonieusement avant
de regagner son appartement. Là, il annonça son départ à Charles, son valet de
chambre, et il lui demanda de préparer ses habits. Le domestique était un
ancien soldat qui l’avait accompagné en Pologne et qui le suivait partout.
O retourna dans son cabinet et avec une clef
qui ne le quittait jamais, et dont son épouse avait le double, il ouvrit le
coffre de fer scellé dans une niche derrière une tenture. À l’intérieur étaient
rangés des sacs de cuir de différentes teintes. Il en prit un de couleur paille
qui contenait des doubles ducats, des pistoles, des nobles à la rose et des
écus au soleil pour environ vingt mille livres. Dimitri gratta à la porte et
entra.
— M. de Cubsac se goinfre à la
cuisine, annonça le Sarmate à son maître.
— Nous partons demain pour Paris, Dimitri.
Avec Cubsac et Charles. Trouve un garde qui puisse nous accompagner. Choisis un
solide gaillard qui n’ait peur de rien. Nous ne serons que cinq, mais prévois
deux ou trois chevaux qui serviront de bât et de monture de remplacement. Qu’on
prépare de la nourriture et du fourrage dans des sacoches sur les selles. Départ
au lever du soleil.
— Je m’en occupe, monsieur.
O se rendit dans sa chambre où se trouvait
maintenant une lingère avec son valet. Il les ignora et ouvrit un grand coffre
ouvragé pour en tirer une épée de côté à la lame gravée et à la garde en
arceaux. Cette belle et souple lame au fourreau en argent était un cadeau
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