Les Rapines Du Duc De Guise
psalmodia une triste
chanson rythmée par le bruit des chaînes. Combien de temps allait-il rester là ?
Le commissaire avait parlé de plusieurs jours avant de revenir. Il songea qu’il
ne résisterait pas si longtemps. Il allait mourir dans cette cave, oublié du
monde.
Au bout d’un moment, épuisé et souffrant trop,
il s’allongea sur la paille imprégnée d’excréments qui couvrait le sol, il
grelottait mais au moins, dans cette position, ses chevilles lui faisaient
moins mal. Il avait envie d’uriner. Il sentit un rat le frôler, le humer. Hurlant
de terreur, il donna un coup à la bête qui s’attaquait à ses vêtements. Il
resta ensuite un long moment sans bouger, l’esprit vide mais le corps aux
aguets. Un peu calmé, il se mit à prier pour l’âme de son père et de Margotte, ainsi
que pour la sienne. Beaucoup plus tard, alors qu’il sombrait dans l’inconscience
tant il avait froid, la porte s’ouvrit et la lanterne d’un gardien éclaira le
cachot. Comme il était resté dans le noir, il ignorait quelle heure il pouvait
être. Venait-on le chercher ? Les gardiens s’avancèrent. Ils étaient trois.
Ils passèrent devant lui en ignorant les supplications des prisonniers. Ils s’arrêtèrent
plus loin et détachèrent un homme avant de le traîner de force vers la sortie.
Tous les prisonniers se mirent à hurler, glapir,
supplier, réclamaient à boire, à manger, à aller aux latrines aussi. Ils
insultaient Dieu, le roi, les gardiens… Certains invoquaient le démon pour qu’il
leur vienne en aide.
— On va vous porter de l’eau et du pain !
cria un des porte-clefs, excédé. Ceux qui se taisent pas auront rien ! Vous
irez aux latrines quand les autres gardiens seront là !
Les cris se calmèrent un peu.
Un des geôliers allait et venait, comme s’il
cherchait quelqu’un. La lanterne éclaira brusquement son visage et Olivier
reconnut le gardien qui l’avait amené quelques heures plus tôt. Il s’arrêta
devant lui.
— Je dois aussi emmener celui-là, fit-il
à son compagnon.
L’autre s’accroupit et chercha une clef dans l’anneau.
Il en introduisit une dans le cadenas, l’ouvrit et leva la planche du carcan.
— Lève-toi ! ordonna-t-il.
Olivier ne sentait plus ses jambes et ses
pieds, il se redressa et chancela aussitôt. Le gardien à côté de lui le
rattrapa et le tint par la taille un instant.
— Avance, maintenant ! fit-il avec
dureté.
Les jambes flageolantes, secoué par les
sanglots et les frissons, Olivier parvint à marcher. L’autre porte-clefs les
suivit. Allait-on lui administrer la question ? En chemin, il n’entendit
que des pleurs et des lamentations de prisonniers souffrant de froid ou de faim.
Il prit conscience qu’il avait faim, lui aussi.
Il pénétra dans une salle voûtée pourvue d’une
unique fenêtre en hauteur. Il y avait un lit de bois avec une paillasse, un pot
à eau, deux tabourets et un seau pour les commodités. L’âtre était froid, mais
pour Olivier c’était le paradis après l’enfer.
— Le procureur viendra t’interroger dans
la journée, grommela le gardien. Je vais te porter un pain qui te durera deux
jours. J’allumerai le feu plus tard pour que M. le procureur n’ait pas
froid.
Olivier utilisa le seau et s’allongea sur le
lit où il parvint à s’endormir. Il se réveilla quand le porte-clefs entra avec
une bûche et un fagot de brindilles. On avait posé un pain noir à côté de lui.
— Je vais allumer le feu. C’est pas pour
toi mais pour M. le procureur.
Olivier se rapprocha de l’âtre, essayant de se
réchauffer tout en rongeant le pain, dur comme de la pierre. Il grelottait. Il
resta ainsi une couple d’heures jusqu’à ce que la porte s’ouvre à nouveau. Le
porte-clefs entra le premier et remit une bûche dans la cheminée. Suivaient
Louchart, encore plus bilieux que la veille, puis un homme voûté tenant une
écritoire, et un dernier personnage en chasuble noire et bonnet.
— C’est lui qui a tué son père ? s’enquit
celui-ci en associant sa question d’une grimace de dégoût.
— Oui, monsieur le procureur, répondit le
commissaire Louchart.
— Jean, installez-vous là et notez tout
ce qui se dira.
Il désigna l’un des tabourets et prit l’autre.
Louchart s’assit sur le lit tandis qu’Olivier restait debout.
Le procureur avait une quarantaine d’années et
paraissait aussi sinistre qu’une corneille. Il avait le nez crochu et un menton
en
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