Les Rapines Du Duc De Guise
sur sa table.
Louchart y inscrivit le nom de Hauteville, la raison de son enfermement, puis
il nota une abréviation signifiant qu’il ne devait pas avoir de visite.
— Mettez-le au dernier niveau pour la
nuit, ça le fera réfléchir, décida-t-il. Mais pas à la fin d’Aise ou à
la Chausse d’Hypocras [32] tout de même, plutôt dans la grande cave, avec des fers ou un carcan. Un
de ces jours, je viendrai l’interroger avec un procureur.
Il sortit sans saluer alors qu’un porte-clefs
entrait.
— Basile, emmenez celui-ci en bas, ordonna
le greffier. Dans la grande salle, avec un carcan.
Le porte-clefs, un bonhomme bedonnant, sentant
fort et à la barbe hirsute, s’avança jusqu’au mur et s’empara d’un trousseau, puis
il se tourna vers Olivier qu’il fouilla soigneusement. Ayant trouvé une bourse
et un couteau, il les posa sur la table en faisant un clin d’œil au greffier.
— Ce sera le prix de votre pension, expliqua
ce dernier à Olivier en glissant les objets dans un tiroir.
Ils sortirent et se dirigèrent vers une autre
porte cloutée de fer avec un guichet grillagé. Le geôlier ayant murmuré
quelques mots, un verrou grinça et un guichetier, à la barbe couverte de poux
roux, apparut dans l’ouverture de la porte. Il tenait une lanterne à chandelle
de suif qui fumait plus qu’elle n’éclairait.
Le porte-clefs bouscula Olivier pour le faire
entrer et ils s’engagèrent dans un couloir en pente. Olivier tremblait
convulsivement tant l’endroit était effrayant. La peur et la souffrance imprégnaient
les murs crasseux et moisis. De rares soupiraux obscurcis par la crasse
laissaient filtrer un peu de lumière, puis ils descendirent des escaliers. Ensuite,
la seule lumière fut celle des torchères de résine ou de suif qui dégageaient
une épaisse fumée noire. Au bout d’un moment, le geôlier ouvrit une grille et
poussa Olivier dans un nouveau corridor, puis un autre escalier. Des
gémissements se faisaient entendre malgré l’épaisseur des murs. Ils
empruntèrent une galerie voûtée recouverte de sable dont on ne distinguait pas
le bout. Finalement Olivier vit un banc où se tenait un guichetier au visage
blanchâtre.
— Celui-là est pour la grande salle, lui
dit le geôlier. Mets-lui un carcan ou des fers.
L’autre prit sa lanterne, saisit un énorme
anneau contenant deux ou trois douzaines de clefs, et se leva pour se rendre à
une porte cloutée qu’il ouvrit en tirant deux gros verrous. Un horrible remugle
de pourriture et d’excréments les saisit. Tenu par un bras, tant il chancelait
de peur, Olivier descendit un nouvel escalier. En bas, le porte-clefs tira un
autre verrou rongé de rouille et ils pénétrèrent dans l’enfer.
À peine étaient-ils entrés que toutes sortes
de supplications, râles, imprécations ou injures jaillirent. L’un des gardiens
bouscula violemment Olivier, pétrifié par la terreur. Ils se trouvaient dans
une longue cave dont il ne voyait pas l’extrémité. La lanterne éclaira des
corps étendus ou assis, enchaînés au mur par le cou ou avec un carcan aux pieds.
À peu près une toise séparait chaque prisonnier. Ceux qui avaient fers et
carcan ne pouvaient bouger. L’odeur d’excrément était pestilentielle.
Olivier ne pouvait maîtriser ses tremblements.
Le geôlier aux clefs s’arrêta devant un carcan vide et lui ordonna de s’asseoir.
Il se soumit. Sans ménagement, le gardien lui plaça les deux pieds dans les
creux de la planche inférieure, puis abaissa la seconde planche qui s’articulait
sur l’autre par une grossière charnière. Il la fixa par un gros cadenas rouillé.
— Je lui mets la chaîne ? demanda-il
au premier gardien en désignant l’anneau de fer attaché au mur.
Olivier devina qu’il mourrait rapidement si on
l’attachait ainsi. Il jeta un regard affolé à son voisin enchaîné par le cou et
les pieds et qui paraissait inconscient. Déjà mort peut-être.
— C’est pas la peine, répliqua le
porte-clefs. Il s’en ira pas !
— Ça c’est sûr ! ricana l’autre.
Ils s’éloignèrent et l’obscurité s’étendit.
— Il fait jour, dehors ? cria un
homme dans un sanglot.
— Oui, murmura Olivier après un silence.
Il resta assis, persuadé que seule cette
position lui permettrait de survivre. Ses chevilles étaient déjà douloureuses. Il
avait soif. Il avait froid. Des cris et des glapissements de dément
retentissaient par moment. Des prières aussi. Quelqu’un
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