Les Rapines Du Duc De Guise
avec la
grâce de Dieu je peux empêcher un si grand carnage je ferais une bonne œuvre. Les
richesses que me promettent ces rebelles ne me profiteraient en rien si je
devais être damné en enfer, expliqua-t-il avec sincérité.
Richelieu hocha la tête et lui sourit
franchement pour la première fois. Il lui tendit même la main.
— Vous êtes un homme brave, monsieur
Poulain, et surtout un homme loyal. Je saurai m’en souvenir, ainsi que Sa
Majesté que j’informerai aujourd’hui. Tout ceci restera bien sûr secret. Je
serai votre seul interlocuteur. Où habitez-vous ?
— Rue Saint-Martin. La maison de l’épicier
au Drageoir Bleu.
— Je vous
ferai parvenir mes instructions si cela s’avère nécessaire. Connaissez-vous une
personne de confiance, si vous êtes absent ?
— Mon épouse, Marguerite.
— Si j’ai à vous écrire, mon porteur
montrera une plaque à mes armes. Faites-les connaître à votre femme et
détruisez ma lettre après l’avoir lue. Vous-même, vous pouvez m’écrire, sans
donner votre nom, dans une lettre cachetée à l’attention de mon valet de
chambre, M. Pasquier. Il me la transmettra immédiatement si vous portez
dessus une double croix dans le cachet de cire. Maintenant, dites-moi, qu’allez-vous
faire pour ces achats d’armes ?
— Je ferai traîner le plus possible, monsieur,
j’en achèterai peu à chaque fois, et quand je saurai où elles sont entreposées,
vous pourrez aisément les faire saisir. Pour l’instant, je dois les porter à l’hôtel
de Guise, mais je suppose qu’elles seront transportées ailleurs pour être
distribuées aux conjurés.
— Astucieux, opina le prévôt.
— Mais je ne sais comment m’y prendre, car
les armuriers de la rue de la Heaumerie voudront une lettre de mon prévôt. Peut-être
devrais-je plutôt acheter ces armes à Saint-Germain, où ce sera plus aisé.
— Ne perdez pas ce temps ! décida
Richelieu. Vous devez gagner la confiance de ces comploteurs rapidement. Je
verrai le prévôt Hardy [31] et
lui demanderai une lettre pour l’achat de quelques cuirasses et épées. Je vous
la ferai porter.
— Merci, monsieur le Grand prévôt.
Richelieu le raccompagna à la porte, l’ouvrit
et appela un valet.
— À vous revoir, monsieur Poulain.
Lundi 7 janvier, le
soir et les jours suivants
Une fois garrotté, Olivier
Hauteville ne s’était plus débattu. Ne comprenant rien de ce qui lui arrivait, il
avait été attaché derrière le cheval d’un des archers et tiré jusqu’au Grand-Châtelet
sous les quolibets des badauds, persuadés qu’il voyaient passer un criminel.
Au Châtelet, les formalités d’écrou furent
rapides. Louchart et son prisonnier passèrent par le guichet d’accès réservé
aux prisonniers situé en face de la grande cour. Un guichetier ouvrit la grille
et les quatre hommes traversèrent la salle de garde, puis la courette
intérieure qui la prolongeait. Olivier grelottait, il avait oublié son manteau
en partant et ses chaussures étaient trempées d’avoir tant marché dans la neige.
Ils pénétrèrent dans une salle sans fenêtre, éclairée seulement par des
chandelles placées dans des niches murales et un flambeau de graisse qui
dégageait une épaisse fumée. Il y avait là quelques gardes qui jouaient aux dés,
ainsi qu’un sergent à verge qui sommeillait sur un banc, appuyé contre un mur. Olivier
n’y était jamais venu. Louchart se dirigea vers une des portes ferrées et
frappa avec la poignée de sa dague tout en donnant son nom. La porte grinça
lugubrement en s’ouvrant et un garde poussa Olivier à l’intérieur. C’était une
pièce obscure dont les murs suintaient de crasse et de salpêtre. Sur l’un d’eux
étaient accrochés de gros trousseaux de clefs. Il y avait une table vermoulue
sur laquelle se trouvait un livre épais à la couverture souillée.
C’était le bureau des écrous. L’homme aux
traits creusés et à la barbe blanche et clairsemée qui leur avait ouvert eut un
regard joyeux.
— Monsieur Louchart, vous m’amenez un
nouveau pensionnaire ? fit-il en se frottant les mains tout en considérant
Olivier avec intérêt.
Olivier savait que le greffier touchait des
épices des prisonniers et qu’un homme de la bourgeoisie comme il l’était allait
lui rapporter force pécunes.
Les deux archers étaient restés dehors.
— Oui, ce garçon a tué son père. Donnez-moi
le registre d’écrou.
Le greffier ouvrit un grand livre
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