Les Rapines Du Duc De Guise
revenaient ainsi, songea-t-il, puis
il se dit que des mousquets seraient aussi efficaces contre quatre hommes que
contre trois.
Seulement, il ne possédait qu’un seul mousquet.
Il fallait donc qu’il trouve quelques marauds,
peut-être d’anciens soldats, qui en aient. Ce ne devrait pas être trop
difficile. Le sergent suivit à pied les quatre hommes jusqu’à la porte
Saint-Honoré et, quand il fut certain qu’ils resteraient sur la route de
Saint-Germain, il fila vers la porte Montmartre. Là, il se précipita dans son
cabaret pour faire rapidement le tour de la salle. Il repéra deux reîtres
lorrains à l’épaisse barbe blanche qui éclusaient une chopine. Les reîtres
possédant généralement un mousquet, il les aborda.
Oui, ils avaient des mousquets mais, pour un
guet-apens près de Paris, donc fort risqué, ils demandaient dix écus chacun. Michelet
accepta, certain de se faire rembourser par le conseil des Seize.
Il alla ensuite voir son demi-frère qui lui
désigna dans la salle deux ou trois drôles de ses connaissances fort capables
au couteau. Michelet les engagea, alla chercher sa propre arquebuse dans sa
chambre à l’étage, et toute la troupe sortit de Paris par la porte Montmartre. Les
gens du guet connaissaient Michelet, ses affaires louches et sa brutalité. Ils
le laissèrent passer sans barguigner. À pied, les six pendards rejoignirent la
route de Neuilly pour arriver à Saint-Germain en fin d’après-midi fort fatigués
car, sur leurs épaules, les mousquets pesaient lourd. Ils s’installèrent dans
une gargote pour se désaltérer avant de trouver bien vite l’hôtellerie où
logeaient Olivier Hauteville et ses compagnons.
Le lendemain, les truands se relayèrent pour
surveiller leurs prochaines victimes. Olivier et Le Bègue se rendirent au
château et y restèrent toute la journée. Le soir, ils furent rejoints par
Nicolas Poulain qui avait abrégé sa chevauchée.
À l’aube du mercredi, Michelet les vit
préparer leurs chevaux. Aussitôt la bande de scélérats prit la route de Paris
pour attendre leurs proies.
Passé la Seine et ayant traversé les champs de
vigne en contrebas du château, le grand chemin traversait les bois du Vésinet. Le
Vésinet était une sombre forêt où les loups étaient si nombreux et si affamés
en hiver qu’ils s’approchaient parfois jusqu’au château royal pour croquer
quelque enfant égaré. À cause d’eux, plus que par crainte de brigands, Poulain
vérifia soigneusement ses deux pistolets et conseilla à Cubsac d’en faire
autant. Olivier et Jacques Le Bègue n’étaient pas armés aussi le lieutenant du
prévôt leur confia-t-il une épée et une dague qu’il transportait toujours en
surplus sur sa selle. Cubsac portait son corselet, et Poulain une brigandine et
un bassinet.
Pendant ce temps, le long du chemin sableux, Michelet
avait conduit ses hommes au cœur de la forêt. Ils se dissimulèrent dans un
bosquet à quelques pas de la route et il fut convenu que les reîtres et
lui-même abattraient Cubsac et Poulain. Le lieutenant du prévôt paraissant le
plus dangereux, ils seraient donc deux à tirer sur lui. Quant aux autres
truands qui n’étaient armés que de couteaux, ils se jetteraient sur les deux
derniers, couperaient les jarrets des chevaux et mettraient leurs victimes à
bas avant de les égorger. Michelet leur promit qu’ils pourraient garder tout ce
qu’ils trouveraient sur leur victime.
Quand les truands entendirent les cavaliers – il
y avait très peu de circulation en ce matin de janvier – les mèches lentes des
mousquets furent allumées. Malheureusement, une faible brise soufflait des
reîtres vers les cavaliers qui arrivaient. Nicolas Poulain était
particulièrement attentif, surtout en chevauchée. Il sentit l’odeur des mèches
et fit arrêter la troupe.
Furieux d’avoir été repéré, Michelet tira trop
tôt, imité par les deux autres. Atteint par la balle du sergent qui visait
pourtant Poulain, M. de Cubsac s’écroula tandis que le cheval du
lieutenant du prévôt d’Île-de-France se cabrait. Les deux coups de feu des
mercenaires ratèrent leur cible.
Habitué aux embuscades, Nicolas savait que la
mousquetade terminée, tout se réglait à l’arme blanche avec un formidable
avantage pour les cavaliers. Il dégaina, saisit un pistolet de ses fontes, et
se précipita vers le fourré d’où sortait encore la fumée des mousquets. Les
deux Lorrains ne tardèrent pas à réagir
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