Les Rapines Du Duc De Guise
invincible !
— Je ne sais plus si je suis là pour
protéger M. Hauteville, ou l’inverse, grommela le Gascon qui, ayant
rattaché sa cuirasse, attrapait avec une grimace de douleur l’un des cadavres
par les pieds pendant qu’Olivier le soulevait par les mains. Quoi qu’il en soit,
monsieur, entre nous, c’est à la vie à la mort !
C’est en allant chercher les deux reîtres avec
Le Bègue que Nicolas découvrit sur le sol les trois mousquets. Il y avait bien
eu un troisième homme qui s’était enfui, en conclut-il, mais il était
maintenant trop tard pour tenter de le rattraper. Laissant Le Bègue tirer les
corps, Poulain ramena les trois grosses arquebuses et les attacha à sa selle. Il
les revendrait à la Ligue, se dit-il, et l’argent ferait bien plaisir à son
épouse pour qu’elle s’achète une pièce de tissu, ou même qu’elle se fasse une
robe.
Pendant ce temps, Cubsac détroussait les
cadavres. C’est ainsi qu’il découvrit dix écus d’or dans les bourses des deux
reîtres et un écu sol sur les trois truands.
— La même somme sur ces deux hommes !
dit-il à mi-voix à Poulain. Et les autres avaient tous une pièce identique. Si
ce n’est pas un guet-apens préparé contre nous, je ne suis pas gascon !
Poulain s’assombrit en regardant les pièces.
Cubsac pouvait-il avoir raison ? Ces bois
étaient infestés de détrousseurs et ces pièces pouvaient être les rapines d’autres
brigandages.
— Gardez ça pour vous, demanda-t-il à
Cubsac. Il est inutile d’inquiéter M. Hauteville. Vous partagerez cette
picorée entre vous et je garderai les mousquets.
— Il y avait un autre tireur, remarqua
Cubsac en désignant les armes.
— Oui, il s’est enfui, c’était peut-être
le chef.
Il remonta en selle, toujours soucieux. Si ces
gens-là n’étaient pas des brigands ordinaires, ils étaient là pour lui ou pour
Olivier. Il doutait que ce soit pour lui. Cela aurait été un guet-apens bien
mal préparé pour s’attaquer à un prévôt des maréchaux. Donc ces truands
voulaient peut-être seulement occire Olivier. Et s’ils étaient aux ordres de
ceux qui avaient déjà tué son père ? Après tout le marquis d’O l’avait
prévenu.
— Monsieur de Cubsac, je compte sur vous,
dit-il finalement. Même si le chef de la bande n’a plus d’arme à feu, redoublez
de prudence.
Il ajouta en se forçant à sourire :
— Et toi Olivier, apprends à te servir d’une
épée, tu vas peut-être en avoir besoin.
Jeudi 7 février
1585
En 1584, pour le
transport des sacs de procès entre les villes et Paris, le roi Henri III
avait créé des offices de messagers royaux qui pouvaient aussi transporter des
missives et des paquets de particuliers. C’est avec ce service qu’une lettre d’Ameline
parvint à Nicolas Poulain alors que, rentré la veille de Saint-Germain, il s’apprêtait
à se rendre chez le Grand prévôt pour se faire remettre un laissez-passer.
Le samedi précédent, il avait déjà informé M. de Richelieu
de son voyage à Arras. Que les bourgeois de Paris s’équipent ainsi ne plaisait
guère au Grand prévôt, mais il tenait à ce que Poulain garde la confiance des
ligueurs. Il lui avait donc promis un laissez-passer pour laisser entrer trois
cents épées et autant de cuirasses et de casques dans Paris.
Comme à chacune de ses visites, Richelieu
reçut Nicolas Poulain sans le faire attendre. Le précieux laissez-passer était
prêt et le Grand prévôt le remit à son espion. Pour éviter qu’on ne le
soupçonne, il lui promit de faire saisir les arquebuses achetées par M. de La
Rochette quand elles seraient transportées sur la Marne, de manière à ce que
cette opération ait lieu loin de Paris.
Nicolas Poulain, rassuré par cette mesure de
prudence, montra à Richelieu la lettre qu’il avait reçue. Dans celle-ci, Ameline
écrivait avoir rencontré à Chartres un receveur du domaine qui lui avait promis
de rallier la municipalité à la Ligue et au duc de Guise. Il annonçait ensuite
qu’il partait pour Orléans et se rendrait après à Blois et à Tours. Ceux qu’il
rencontrait manquaient d’armes et espéraient que le duc de Guise les équiperait.
Richelieu grommela fort en découvrant cette nouvelle forfaiture, et promit à
Poulain d’agir au plus vite contre ces félons.
En rentrant chez lui, le lieutenant du prévôt
s’arrêta rue Saint-Germain-l’Auxerrois pour remettre la lettre d’Ameline à
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