Les Rapines Du Duc De Guise
mais Poulain abattit le premier d’un
coup de pistolet dans la face et sabra l’autre d’un revers de lame.
Il en manquait un, car il était certain d’avoir
entendu trois coups de feu. En se retournant pour chercher le troisième tireur,
il entrevit Cubsac qui s’était miraculeusement relevé et qui, l’épée à la main,
faisait de grands moulinets afin de protéger Olivier et Le Bègue de trois
drôles brandissant des lardoires et des tranchoirs. Ne cherchant pas plus à
élucider le mystère du troisième coup de feu, le lieutenant du prévôt fit
aussitôt tourner sa monture pour secourir le Gascon et ses amis.
Mais comme il allait contourner un fourré, il
vit avec horreur M. de Cubsac glisser sur une plaque de glace ou de l’herbe
gelée et tomber en arrière. L’un des gueux se jeta sur lui pour lui trancher la
gorge.
Il n’eut pas le temps de le faire, Olivier
avait dégainé l’épée que Nicolas Poulain lui avait prêtée, et sans connaître
grand-chose à la science des armes, avait écarté d’un revers le tranchoir du
truand. Puis, d’un coup d’estoc, il transperça le brigand de part en part. Mais
déjà les deux autres gueux étaient sur lui. Il parvint tout juste à les tenir à
l’écart en balayant l’air en tous sens avec sa lame. Poulain arriva à temps
pour percer un des larrons dans le dos tandis que Cubsac, qui s’était à demi
relevé, lançait sa miséricorde sur le dernier.
Tous les assaillants étant hors d’état de
nuire, le silence se fit. Les combattants, haletants, regardaient autour d’eux
s’il restait un survivant, mais aucun ne bougeait.
— Par la mort bleue, monsieur de Cubsac, vous
êtes invincible ! lança alors Poulain d’un ton joyeux. Je vous ai vu
tomber au premier coup de feu, vous relever, puis tomber à nouveau, et vous
relever encore !
— Le mousquet m’a quand même touché, souffla
le Gascon dans une grimace. Et sans l’aide de M. Hauteville, je serais
maintenant de l’autre côté à demander à Satan où se trouve ma place en Enfer !
Si vous pouviez m’aider à défaire ma cuirasse… La balle m’a frappé là et j’ai
du mal à respirer ; j’ai certainement quelques côtes brisées.
» Ces pendards ont bien mérité leur sort,
ajouta-t-il en regardant les cadavres sanglants.
— Jacques, vous n’avez pas été meurtri ?
demanda Poulain en s’adressant à Le Bègue qui était resté prudemment en arrière
et qui était encore pétrifié d’horreur par la rapidité et la sauvagerie de l’affrontement.
— Non, soyez rassuré, monsieur. Ce sont
des brigands ? demanda-t-il.
— Sans doute ! sourit Poulain qui
était de cheval. Mais dis-moi, Olivier, tu m’avais caché que tu savais te
battre comme un vrai lansquenet !
Tandis qu’Olivier esquissait un sourire
embarrassé, Nicolas Poulain s’approcha de Cubsac et, souleva son manteau avec
délicatesse pour déboucler son corselet. Ensuite, il ôta la plaque de cuivre
toute déformée. La balle avait presque percé le métal, le déformant
profondément. Au-dessous, le pourpoint et la chemise du Gascon étaient
légèrement ensanglantés par un éclat de métal. Cubsac, soudain tenaillé par la
douleur, chancela et Poulain l’aida à s’asseoir dans l’herbe.
— Reposez-vous un instant, lui dit-il.
Comme tous les militaires, Nicolas Poulain
avait une certaine expérience des blessures et il transportait dans ses bagages
de selle de quoi faire quelques pansements d’urgence. Malgré le froid vif, il
demanda à Le Bègue d’aider Cubsac à ôter ses vêtements pendant qu’Olivier
montait la garde.
Ayant sorti de la charpie et de la toile, le
lieutenant du prévôt nettoya sommairement la blessure avec de l’eau. La plaie
était impressionnante mais superficielle, et comme le torse du Gascon portait
déjà quelques cicatrices, il lui dit en plaisantant qu’une de plus le rendrait
encore plus séduisant auprès des femmes de la cour. Enfin, avec une pierre il
martela la bosse sur la cuirasse de cuivre pour lui redonner sa forme.
Quand Cubsac fut rhabillé, Nicolas Poulain
demanda aux deux autres de l’aider.
— Tirons ces marauds au bord du chemin, puis
je regagnerai Saint-Germain au triple galop pour prévenir mon greffier. Je vous
reverrai ce soir chez vous, si j’ai le temps. Je ne pense pas qu’il y ait d’autres
brigands dans le bois… et même s’il y en avait, que M. de Cubsac
aille au-devant d’eux, il est
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