Les refuges de pierre
ordre
précis. Les Zelandonii se placèrent selon leur position – implicitement
reconnue et rarement étalée – pour indiquer leur rang dans ce monde
aux Esprits du Monde d’Après et aider l’élan de Shevonar dans ce difficile
passage de l’un à l’autre.
La compagne éplorée, Relona, et ses deux enfants se servirent en
premier. Joharran, Proleva et Jaradal suivirent, puis vinrent Marthona,
Willamar et Folara, Jondalar – les membres les plus éminents de la
Neuvième Caverne – et Ayla.
Sans le savoir, elle avait posé un problème épineux. En sa
qualité d’étrangère, elle aurait dû occuper une place moins importante.
Eût-elle été officiellement promise à Jondalar au cours d’une cérémonie, il
aurait été plus facile de la placer avec la famille de son compagnon, mais leur
union n’était qu’annoncée par la rumeur et son acceptation au sein de la
Caverne n’avait même pas encore été approuvée dans les règles. Quand la
question s’était posée, Jondalar avait déclaré que, quel que fût l’endroit où
Ayla serait placée, il resterait avec elle. Dernier de la file, si on la
plaçait derrière.
Un homme tenait à l’origine son rang de sa mère. Quand il
prenait une compagne, ce rang pouvait changer. Normalement, avant qu’une union
fût autorisée, les familles – et quelquefois les chefs et les Zelandonia – engageaient
des négociations matrimoniales qui touchaient à de nombreux aspects. On se
mettait d’accord sur des échanges de dons ; on décidait que le couple
vivrait dans la Caverne de l’homme ou celle de la femme, ou ailleurs ; on
fixait le montant de l’indemnité matrimoniale puisque le rang de la femme était
considéré comme déterminant. Et le rang du nouveau couple constituait un
élément important des négociations.
Marthona demeurait convaincue que, si Jondalar se plaçait au
bout de la file, sa position serait interprétée à tort, non seulement par les Zelandonii
mais aussi par les Esprits du Monde d’Après : cela eût signifié qu’il
avait perdu son rang pour une raison quelconque ou que celui d’Ayla était très
bas. C’est pourquoi Zelandoni avait tenu à ce qu’elle marche en tête avec les
doniates. Si on lui accordait une place parmi l’élite spirituelle, elle
jouirait, quoique étrangère, d’un certain prestige. Et comme les Zelandonia ne
mangeaient pas pendant les repas funéraires, elle irait ensuite rejoindre la
famille de Jondalar avant que quiconque pût protester.
Si certains s’apercevaient du subterfuge, il serait trop tard
pour changer et le rang de la jeune femme serait établi pour ce monde et celui
d’Après. Ayla elle-même ne savait rien de cette petite supercherie, et ceux qui
l’avaient manigancée estimaient qu’il ne s’agissait que d’une transgression
mineure. Marthona et Zelandoni étaient toutes deux convaincues, pour des
raisons différentes, qu’Ayla était une femme de haut rang. Il s’agissait simplement
de le faire savoir.
Pendant que la famille de Jondalar mangeait, Laramar s’approcha
et versa de son barma dans les coupes. Ayla se rappela l’avoir rencontré le
premier soir. Elle avait cru comprendre que, si le breuvage qu’il faisait était
apprécié, l’homme lui-même était souvent dénigré, et elle se demandait
pourquoi. Ayla l’observa alors qu’il inclinait son outre vers la coupe de
Willamar. Elle remarqua que ses vêtements étaient sales et élimés, percés de
trous qu’il aurait pu raccommoder.
— Je t’en verse ? proposa-t-il.
Elle le laissa remplir sa coupe et, sans le regarder
directement, l’examina de plus près. C’était un homme ordinaire avec des
cheveux et une barbe châtain clair, des yeux bleus, ni grand ni petit, ni gros
ni maigre, bien qu’il eût du ventre et une musculature qui semblait moins ferme
que celle de la plupart des hommes. Elle remarqua que son cou était gris de
crasse et qu’il devait rarement se laver les mains.
C’était facile de devenir sale, en particulier en hiver, lorsqu’il
fallait faire fondre la glace ou la neige pour avoir de l’eau et que gaspiller
du bois à cet usage n’était pas toujours avisé. Mais en été, quand il y avait
abondance d’eau et de saponaire, la plupart des gens qu’elle connaissait
préféraient être propres. Il était rare de voir quelqu’un d’aussi sale que
Laramar.
— Merci, lui dit-elle avec un sourire.
Elle but une gorgée de barma, bien que l’aspect de
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