Les refuges de pierre
et
pourquoi personne n’essayait de consoler les enfants.
16
Au bout d’un moment, Ayla vit la mère commencer à réagir aux
sanglots effrayés de la petite fille. Relona se redressa, et sans même faire
tomber la terre collée à ses vêtements, la prit dans ses bras. L’aîné s’assit
par terre, entoura de ses bras le cou de sa mère, qui l’enlaça à son tour, et
tous trois demeurèrent sur le sol à pleurer ensemble.
Ayla eut cependant l’impression que leurs sanglots étaient
différents, moins imprégnés de désespoir, empreints d’une tristesse et d’un
réconfort communs. Sur un signe de la Première, les Zelandonia et quelques
autres, notamment Ranokol, le frère de Shevonar, les aidèrent à se lever tous
les trois et les éloignèrent de la tombe.
Le chagrin de Ranokol était aussi profond que celui de Relona
mais il l’exprimait différemment. Il ne cessait de se demander pourquoi
Shevonar avait été sacrifié et non pas lui. Son frère avait une famille alors
que lui-même n’avait pas de compagne. Il était torturé par cette idée mais n’en
parlait jamais. Il aurait volontiers évité de venir à l’enterrement s’il l’avait
pu ; il ne pensait qu’à une chose : partir dès qu’il le pourrait.
— Grande Terre Mère, nous avons remis en Ton sein Shevonar
de la Neuvième Caverne des Zelandonii, entonna la Première.
Tous ceux qui s’étaient rassemblés pour les funérailles de
Shevonar demeuraient autour de la tombe et, les yeux fixés sur la doniate,
semblaient attendre quelque chose. Les tambours et les flûtes continuaient à
jouer mais leur musique s’était si bien intégrée à la cérémonie qu’Ayla ne la
remarqua que lorsque l’air changea et que Zelandoni se remit à chanter.
Des ténèbres, du Chaos du temps,
Le tourbillon enfanta la Mère suprême.
Elle s’éveilla à Elle-Même sachant la valeur de la vie,
Et le néant sombre affligea la Grande Terre Mère.
Toute la communauté répondit à l’unisson, certains en chantant,
d’autres en prononçant simplement les mots.
La Mère était seule. La Mère était la seule.
Celle Qui Était la Première reprit :
De la poussière de Sa naissance, Elle créa l’Autre,
Un pâle ami brillant, un compagnon, un frère.
Ils grandirent ensemble, apprirent à aimer et chéri,
Et quand Elle fut prête, ils décidèrent de s’unir.
De nouveau, tous les Zelandonii répondirent
Il tournait autour d’Elle constamment, son pâle amant.
Ayla se rendit compte que le chant racontait une histoire
familière que tout le monde connaissait et attendait. Captivée, elle voulut en
savoir davantage et écouta avec attention tandis que Zelandoni chantait un
autre couplet et que la communauté tout entière lui répondait dans le dernier
vers.
De ce seul compagnon Elle se contenta d’abord
Puis devint agitée et inquiète en Son cœur.
Elle aimait Son pâle ami blond, cher complément d’Elle-Même
Mais Son amour sans fond demeurait inemployé
La Mère Elle était, quelque chose
Lui manquait.
Elle défia le grand vide, le Chaos, les ténèbres
De trouver l’antre froid de l’étincelle source de vie.
Le tourbillon était effroyable, l’obscurité totale.
Le Chaos glacé chercha Sa chaleur.
La Mère était brave, le danger
était grave.
Elle tira du Chaos froid la source créatrice
Et conçut dans ce Chaos. Elle s’enfuit avec la force vitale,
Grandit avec la vie qu’Elle portait en Son sein,
Et donna d’Elle-Même avec amour, avec fierté.
La Mère portait Ses fruits, Elle
partageait Sa vie.
Le vide obscur et la vaste Terre nue
Attendaient la naissance.
La vie but de Son sang, respira par Ses os.
Elle fendit Sa peau et scinda Ses roches.
La Mère donnait. Un autre vivait.
Les eaux bouillonnantes de l’enfantement emplirent rivières et
mers,
Inondèrent le sol, donnèrent naissance aux arbres.
De chaque précieuse goutte naquirent herbes et feuilles
Jusqu’à ce qu’un vert luxuriant renouvelle la Terre.
Ses eaux coulaient. Les plantes
croissaient.
Dans la douleur du travail, crachant du feu,
Elle donna naissance à une nouvelle vie.
Son sang séché devint la terre d’ocre rouge.
Mais l’enfant radieux justifiait toute cette souffrance.
Un bonheur si grand, un garçon
resplendissant.
La respiration d’Ayla se bloqua dans sa gorge lorsqu’elle
entendit ces mots qui semblaient raconter son histoire et celle de
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