Les refuges de pierre
aussi experte dans l’art de guérir. Sans personne pour la contrôler,
cette étrangère pouvait gravement troubler la vie ordonnée de son peuple. Mais
puisque c’était Jondalar qui l’avait amenée, il faudrait avancer avec
précaution. Il y avait d’abord beaucoup à apprendre sur cette femme.
— Il faut que je te remercie pour le retour d’au moins un
de mes fils, Ayla. Je te suis reconnaissante, déclara Marthona.
— Si Thonolan était revenu, lui aussi, ce serait en effet
une occasion de se réjouir, dit Willamar. Mais Marthona savait, quand il est
parti, qu’elle ne le reverrait pas. (Il se tourna vers sa compagne.) Je n’ai
pas voulu te croire mais j’aurais dû le savoir, moi aussi. Thonolan voulait
tout voir, aller partout. Même lorsqu’il était enfant, sa curiosité était immense.
Cette remarque réveilla chez Jondalar un souci qui le rongeait
depuis longtemps.
— Zelandoni, il faut que je te demande : est-il
possible que l’esprit de Thonolan ait trouvé seul le chemin du Monde d’Après ?
Sans aucune aide ? Ses os sont encore sous cet éboulis de pierres, dans
les steppes de l’Est, il n’a pas de véritable sépulture. Se peut-il que son
esprit erre dans le Monde d’Après sans personne pour lui montrer le
chemin ?
La grosse femme fronça les sourcils. C’était une question grave,
qu’il fallait manier avec précaution, notamment pour ménager la famille de
Thonolan.
— Ayla, n’as-tu pas parlé d’une sorte de rituel sommaire
auquel tu as procédé ? Dis-m’en davantage.
— Il n’y a pas grand-chose à dire. C’était le rite que Creb
observait chaque fois que quelqu’un mourait et que son esprit quittait ce
monde. J’étais inquiète pour l’homme qui avait survécu mais je voulais faire
quelque chose pour aider l’autre à trouver le chemin.
— Ayla m’a conduit plus tard à cet endroit et m’a donné de
la poudre d’ocre rouge à répandre sur l’éboulis. Avant de quitter la vallée,
nous sommes retournés dans le défilé, et j’ai remarqué une pierre très
particulière dans le tas qui recouvrait Thonolan. Je l’ai emportée dans l’espoir
qu’elle aiderait Zelandoni à trouver son esprit s’il errait encore et à le
guider sur le bon chemin. Elle est dans mon sac, je vais la chercher.
Jondalar s’éloigna, revint avec une pochette de cuir qu’une
lanière de cuir permettait de porter autour du cou. Il l’ouvrit, fit tomber
dans sa paume un petit morceau d’ocre rouge, et un fragment de pierre grise en
forme de pyramide aplatie. Mais, lorsqu’il la retourna, il y eut des
exclamations de stupeur. La face inférieure était bordée d’une mince couche d’opale
d’un bleu laiteux et parcourue par des veines d’un rouge flamboyant.
— J’étais là, songeant à Thonolan, et cette pierre a roulé
jusqu’à mes pieds. Ayla m’a conseillé de la mettre avec mon amulette dans cette
pochette et de la rapporter chez moi. Je ne sais pas ce qu’elle signifie, mais
il semble qu’elle ait un lien avec l’esprit de Thonolan.
Il tendit la pierre à Zelandoni. Personne d’autre ne fit mine de
la toucher, et Ayla vit même Joharran frissonner. La doniate examina
attentivement la pierre, se donnant ainsi le temps de réfléchir à ce qu’elle
allait dire.
— Je crois que tu as raison, Jondalar. Cette pierre est
liée d’une façon ou d’une autre à l’esprit de ton frère. Je ne sais pas ce que
cela signifie, il faut que je l’étudie plus longtemps et que je demande conseil
à la Mère, mais tu as été bien avisé de me l’apporter.
Après un silence, elle reprit :
— L’esprit de Thonolan était aventureux. Ce monde était
peut-être trop petit pour lui. Il voyage peut-être encore dans le Monde d’Après,
non parce qu’il est perdu mais parce qu’il n’est pas encore prêt à trouver sa
place. Vous étiez loin à l’est quand sa vie dans ce monde a pris fin ?
— Au-delà de la mer intérieure, au bout de la grande
rivière, celle qui commence de l’autre côté du glacier du haut plateau.
— Celle qu’on appelle la Grande Rivière Mère ?
— Oui.
Zelandoni redevint silencieuse puis finit par déclarer :
— La quête de Thonolan ne pouvait peut-être aboutir que
dans le Monde d’Après, celui des Esprits. Doni a peut-être jugé qu’il était
temps de rappeler ton frère et de te laisser rentrer. Le rituel d’Ayla a
peut-être suffi, mais je n’ai pas bien compris ce qu’elle a fait,
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