Les refuges de pierre
n’ont pas pour habitude de laisser quelqu’un s’interposer entre eux et
la proie qu’ils viennent de tuer.
— Non, reconnut Ayla, mais celui-là, c’était Bébé. Je lui
ai dit de partir.
Devant l’expression d’incrédulité stupéfaite du chef de la
Caverne, elle ajouta :
— Comme lorsque nous chassions ensemble. Je ne crois pas qu’il
avait faim, de toute façon. Sa lionne venait de lui apporter un cerf. Et je lui
avais appris à ne pas chasser d’humains. Je l’ai élevé. J’étais sa mère, pour
lui. Les humains étaient sa famille... sa fierté. Je crois qu’il avait attaqué
les deux hommes uniquement parce qu’ils avaient empiété sur son territoire.
« Je ne voulais pas laisser l’autre homme dans le
défilé : la lionne, elle, ne considérait pas les humains comme sa famille.
Mais je n’avais pas de place pour lui sur les perches, et pas le temps de l’enterrer.
Je craignais en plus que Jondalar ne meure si je ne le ramenais pas à ma
grotte. J’ai remarqué derrière la corniche, sur une pente forte, un éboulis
retenu par un gros rocher. J’ai tiré le corps dessous et, avec un épieu – je
me servais alors de lourds épieux, comme le Clan –, j’ai fait rouler le
rocher sur le côté pour que l’éboulis recouvre le corps. Je ne pouvais me
résigner à l’abandonner comme cela, sans même un message au Monde des Esprits.
Je n’étais pas mog-ur mais j’ai répété le rituel de Creb pour demander à l’Esprit
du Grand Ours des Cavernes de guider le mort jusqu’au Monde d’Après. Puis, avec
l’aide de Whinney, j’ai ramené Jondalar à ma grotte.
Les questions affluèrent dans la tête de Zelandoni : qui
était ce « Grrub » ? (C’était ainsi que sonnait à ses oreilles
le nom de Creb.) Pourquoi l’Esprit d’un ours des cavernes au lieu de la Grande
Terre Mère ? Elle n’avait pas saisi la moitié des propos de l’étrangère et
trouvait l’autre moitié difficile à croire.
— Une chance que Jondalar n’ait pas été aussi touché que tu
le pensais, commenta la doniate.
Ayla secoua la tête. Que voulait dire Zelandoni ? Jondalar
était à demi-mort, elle se demandait encore comment elle avait réussi à le
sauver.
A son expression, Jondalar devina ce qu’elle pensait et se leva.
Zelandoni avait émis des doutes qu’il fallait lever.
— Il faut que vous connaissiez tous la gravité de mes
blessures, dit-il en relevant sa tunique et en dénouant la lanière de ses
jambières d’été.
S’il était rare pour les hommes – comme pour les
femmes – d’aller nus, même par les journées les plus chaudes, montrer
son corps ne posait pas de problème. Les gens se voyaient souvent nus quand ils
nageaient ou prenaient un bain de vapeur. Ce ne fut pas sa virilité que les
autres fixèrent lorsque Jondalar se dénuda, mais les énormes cicatrices de sa
cuisse et de son torse.
Les coups de griffe avaient bien cicatrisé, et Zelandoni
remarqua même qu’Ayla avait recousu la peau par endroits. Elle avait suturé la
jambe en sept points : quatre nœuds le long de la blessure la plus
profonde, trois autres pour maintenir en place les muscles déchirés. Personne
ne lui avait appris à le faire mais elle n’avait pas vu d’autre moyen de
refermer les plaies béantes.
Rien dans la démarche de Jondalar ne laissait penser qu’il avait
été aussi grièvement blessé. Il ne boitait pas de cette jambe, et mis à part
les balafres mêmes, le tissu musculaire, en dessous, semblait normal. Il
portait sur la poitrine et l’épaule droite d’autres marques provenant des coups
de griffe du lion, ainsi qu’une cicatrice isolée, apparemment sans rapport, sur
les côtes. A l’évidence, son long Voyage ne l’avait pas laissé indemne.
Tous comprenaient maintenant pourquoi il avait fallu soigner
Jondalar sans attendre, mais seule Zelandoni se rendait compte qu’il avait
frôlé la mort. Elle rougit de sa remarque inconsidérée.
— Je suis désolée, Ayla, je ne pensais pas que tu étais
aussi habile. La Neuvième Caverne des Zelandonii a de la chance que Jondalar
lui ait ramené une guérisseuse d’une telle expérience.
Jondalar sourit en se rhabillant et Ayla poussa un petit soupir
de soulagement. La doniate était plus résolue que jamais à en apprendre
davantage sur cette étrangère. Ses liens avec les animaux avaient forcément un
sens, et il fallait placer sous l’autorité et l’influence de la Zelandonia une
femme
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