Les refuges de pierre
s’en prendre à Ayla.
— Loup ! Non ! ordonna-t-elle. Elle avait encore
tout gâché. Pourquoi ne s’était-elle pas tue quand il avait commencé à
sourire ? En tout cas, il n’avait pas le droit de traiter les membres du
Clan de « bêtes répugnantes », parce que c’était faux.
— Tu penses aussi que ce loup est humain ? lança
Brukeval d’un ton méprisant. Tu ne sais même pas faire la différence entre les
humains et les animaux. Ce n’est pas normal pour un loup de se conduire de
cette façon.
Il ne se rendait pas compte que ses braillements l’exposaient
aux crocs de Loup mais, même s’il en avait eu conscience, cela n’aurait rien
changé : Brukeval était hors de lui.
— Laisse-moi te dire une chose, continua-t-il. Si ces bêtes
n’avaient pas attaqué ma grand-mère, elle n’aurait pas été effrayée au point de
donner naissance à une femme faible, et ma mère aurait vécu pour prendre soin
de moi et pour m’aimer. Ces immondes Têtes Plates ont tué ma grand-mère, et ma
mère aussi. Ils méritent la mort ! S’il ne tenait qu’à moi, je les
exterminerais !
Il avançait vers Ayla en criant, la faisait reculer. Elle
retenait Loup par la peau du cou pour l’empêcher de bondir sur lui. Enfin, Brukeval
passa sur le côté en la bousculant et dévala le sentier en toute hâte. Jamais
il n’avait été habité d’une telle rage, non seulement parce que cette femme
avait insinué qu’il descendait des Têtes Plates, mais aussi parce que, dans sa
colère, il avait dévoilé ses sentiments les plus profonds. Enfant, il aurait
voulu plus que tout avoir une mère auprès de laquelle se réfugier lorsque les
autres le tourmentaient. Mais la femme qui avait hérité du petit en même temps
que des biens de sa mère n’éprouvait aucun amour pour le bébé auquel elle
donnait le sein avec répugnance. Il était un fardeau pour elle, elle le
trouvait repoussant. Elle avait plusieurs enfants à elle, dont Marona, ce qui l’incitait
encore davantage à négliger Brukeval. Mais, même avec ses propres enfants, ce n’était
pas une bonne mère, et c’était d’elle que Marona tenait son insensibilité.
Tremblante, Ayla tenta de se ressaisir en montant le sentier et
pénétra d’un pas chancelant dans l’habitation de Zelandoni. La doniate leva la
tête à son entrée et comprit aussitôt qu’il se passait quelque chose de grave.
— Qu’y a-t-il ? On dirait que tu viens de voir un
Esprit malfaisant.
— Je crois que c’est exactement ça. Je viens de croiser
Brukeval sur le sentier. J’ai essayé de lui expliquer que je n’avais pas voulu
l’insulter à la réunion, mais avec lui je finis toujours par dire ce qu’il ne
faut pas, semble-t-il.
— Assieds-toi, raconte-moi.
Une fois qu’Ayla lui eut relaté l’altercation, Zelandoni
réfléchit un moment en silence puis lui prépara une infusion. Ayla allait
mieux : parler de l’incident l’avait aidée à recouvrer son calme.
— J’observe Brukeval depuis longtemps, reprit la Première.
Il y a de la fureur en lui. Il veut se venger d’un monde qui lui a infligé tant
de souffrances et il a décidé d’en faire porter la responsabilité aux Têtes
Plates, au Clan. Il voit en eux la cause de ses malheurs. Il hait tout ce qui a
trait aux Têtes Plates. Le pire que tu pouvais faire, c’était laisser entendre
qu’il leur est lié d’une certaine façon. C’est regrettable, mais je crains que
tu ne te sois fait un ennemi. Nous n’y pouvons plus rien, maintenant.
— Je le sais. Je l’ai senti. Pourquoi les
déteste-t-on ? Qu’est-ce qu’ils ont de si terrible ? Zelandoni
considéra Ayla d’un air pensif puis parut prendre une décision.
— Lorsque j’ai déclaré à la réunion que j’avais longuement
médité pour me remémorer les Histoires et Légendes Anciennes, c’était vrai,
dit-elle. J’ai fait usage de tous les moyens que je connais pour faire resurgir
dans mon esprit ce que j’avais mémorisé. C’est un exercice que je devrais
pratiquer plus souvent, il est éclairant.
« Le drame, je crois, c’est que nous nous sommes établis
sur leurs terres. Au début, cela n’a pas causé trop de difficultés. Il y avait
de la place, de nombreux abris vides. Nous pouvions facilement partager avec
eux. Ils avaient tendance à garder leurs distances et nous les évitions. A l’époque,
nous ne les traitions pas d’animaux, nous les appelions Têtes Plates, terme
plus descriptif
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