Les reliques sacrées d'Hitler
Le gratte-ciel de neuf étages, couleur sable, avait été le siège mondial dâI. G. Farben, le plus grand fabricant allemand de produits chimiques. Câétait là que, selon les informations dont disposaient les renseignements alliés, Fritz Termeer, directeur de la recherche chez Farben, avait mis au point le procédé permettant de transformer le charbon en fuel synthétique et en caoutchouc, et découvert la formule du zyklon B, le gaz létal utilisé dans les camps de la mort. Que cet immeuble ait résisté, alors que les églises, les bibliothèques, les musées et les écoles de Francfort avaient brûlé, était un sujet de discussion aussi bien chez les Alliés que chez les Allemands. On racontait chez les officiers de renseignements que le général Eisenhower avait ordonné dâépargner le complexe dâI. G. Farben parce quâil voulait y établir son quartier général. Peut-être les bombardiers lâévitaient-ils aussi parce quâil était situé juste à côté dâun camp où se trouvaient plusieurs milliers de prisonniers alliés.
Nombre de visiteurs de ce bâtiment ultramoderne, avec son bassin et son jardin paysagé, trouvaient son architecture très réussie. Pour Horn, câétait une forteresse en béton sans caractère, tout ce quâil détestait dans lâarchitecture stérile et utilitaire des nazis. En revanche, il nây avait rien à dire sur ses équipements techniques. Après avoir présenté ses ordres de service au poste de réception du centre de commandement, il fut conduit par un policier militaire en casque blanc jusquâà la rotonde principale menant aux ascenseurs qui se déplaçaient sur des plateformes similaires à celles dâun escalator. Il nây avait aucune porte. Les passagers montaient sur la plateforme en marche à un étage et descendaient à lâautre.
Horn sortit au troisième étage et suivit son guide le long dâun large couloir haut de plafond jusquâà une suite de bureaux. Il ignorait toujours qui serait son contact quand le lieutenant James Rorimer, étrangement vêtu de bottes de combat et dâun uniforme de cérémonie, se présenta et lui expliqua quâil allait être conduit au bureau de liaison USFET du commandant Mason Hammond, responsable de la MFAA, la division Monuments, beaux-arts et archives.
Le lieutenant Horn ne savait toujours pas pourquoi il avait été appelé à Francfort, mais la mention du nom de Hammond et de son poste de superviseur de la MFAA lui donnait deux indices importants. Il avait rencontré Hammond deux ans plus tôt à Londres, lorsquâils étaient tous les deux détachés provisoirement auprès des renseignements britanniques. Lors dâune rencontre inopinée sur les marches du British Museum, ils avaient appris quâils étaient lâun et lâautre professeurs dâuniversité dans la vie civile. Hammond, le plus âgé des deux, sâétait spécialisé dans lâhistoire romaine et il occupait une chaire prestigieuse à lâuniversité de Harvard où il enseignait le latin et le grec. Horn entamait tout juste sa carrière à Berkeley, mais son travail avec Panofsky à Berlin et une bourse dâétudes de deux ans à lâInstitut allemand de Florence avaient impressionné Hammond. Ils passèrent un après-midi agréable à se promener dans les salles prestigieuses du British Museum, commentant dans le moindre détail lâarchitecture des églises florentines. La guerre ne sâétait pas immiscée dans leurs discussions, jusquâà ce que, plus tard, Hammond invite Horn à dîner. Hammond, capitaine à lâépoque, avait parlé de la possible création de la MFAA, le département des forces militaires alliées qui serait chargé de protéger les monuments historiques sur les champs de bataille et de récupérer les Åuvres pillées par les nazis. Il pensait quâun moment viendrait, après lâinvasion alliée, où la MFAA aurait besoin de quelquâun présentant les références universitaires et militaires de Horn. Apparemment, le moment était venu.
Il nây eut
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