Les reliques sacrées d'Hitler
Horn.
Rosenthal reconnut que son collègue avait peut-être raison. Martin Bormann, le secrétaire dâHitler et chef de la chancellerie du parti, figurait en haut de la liste des dignitaires nazis disparus et intriguait les officiers de renseignements de Freising. Personne ne savait où Bormann sâétait enfui après sa visite à Hitler dans son bunker le jour où le Führer sâétait suicidé. Dâaprès le chauffeur dâHitler, Erich Kempa, que Horn et Rosenthal étaient en train dâinterroger, Bormann avait fui à pied dans un tunnel de métro berlinois en compagnie du chef des Jeunesses hitlériennes, avec lâintention de rejoindre des troupes loyalistes qui les feraient sortir en cachette dâAllemagne. De nombreux officiers des services de renseignements alliés étaient persuadés que Bormann était ensuite parti pour le Brésil à bord dâun sous-marin, ou avait rejoint dans les Alpes autrichiennes lâarmée de résistance clandestine dâHimmler, dirigée par le chef de la Gestapo Heinrich Müller. Si Bormann avait été appréhendé, Horn, lâétoile montante du renseignement, aurait certainement été choisi pour lâinterroger à Camp King, là où était détenu le haut commandement nazi.
Ils le sauraient bientôt. Horn promit à son ami de le tenir informé, reçut lâaccord pour son voyage de son officier supérieur et, tôt le lendemain, embarqua à bord dâun camion dâune demi-tonne des transports de lâarmée qui se rendait justement à Francfort par lâautoroute.
Bien que Horn désirât quitter Camp Freising, où il se sentait un peu prisonnier, et pouvoir retourner dans une ville quâil nâavait pas revue depuis dix ans, il sâaperçut vite que le trajet en direction du nord nâavait rien de plaisant dans cette Allemagne dâaprès-guerre. Des années plus tôt, le voyage aurait été une agréable croisière de trois ou quatre heures, dans un paysage de fermes prospères et de pâturages fertiles. àprésent, cela prenait une demi-journée, avec, partout, des rappels déprimants de la guerre. Seule consolation pour Horn, son père Karl, pasteur luthérien mort au moment de lâaccession dâHitler au pouvoir, nâétait plus là pour voir la désolation absolue et le désespoir qui régnaient dans ce pays quâil avait tant aimé.
Le long des routes pleines de cratères de bombes, gisaient partout des squelettes de voitures, de camions et de chars sans chaînes. Les défilés des détenus et des soldats des anciens camps se succédaient, ainsi que les terribles cortèges de personnes déplacées. Ces réfugiés de la guerre dâHitler constituaient le plus grand flux migratoire de lâhistoire humaine : Russes retournant à lâest, Français à lâouest, Autrichiens au sud. Et, partout, des Allemands sans toit allant dans toutes les directions. Quelques chanceux voyageaient en voiture, en camion, ou sur des chariots, des charrettes et des vélos. La plupart allaient à pied, avec ou sans chaussures, traînant des casseroles, des poêles, des bouteilles dâeau, avec parfois un bébé sur le dos.
Les faubourgs de Francfort ne comportaient aucun repère familier, sinon des rangées de cheminées solitaires. Il restait encore quelques bâtiments par-ci par-là , mais câétaient des coquilles vides. àlâintérieur de la ville, le spectacle était tout aussi affligeant. Le centre médiéval de Francfort, jadis le plus grand et le plus opulent dâAllemagne, avait été rasé. En dehors de deux ou trois axes principaux, les rues étaient couvertes de gravats. En sây aventurant, on croisait toujours les mêmes visages émaciés et accablés que sur les routes, sauf que ceux-ci étaient beaucoup plus désespérés parce quâils nâavaient nulle part où aller. Soit ils étaient déjà chez eux, soit ils nâavaient ni la force, ni les moyens, ni la sagesse de partir.
Paradoxalement, lâimposant complexe de bâtiments nazis où sâétait installé lâUSFET, au cÅur du quartier ouest jadis à la mode, était resté intact.
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