Les reliques sacrées d'Hitler
prisonniers des questions sur les stocks dâarmes. Ils comptaient pour obtenir lâinformation sur quatre questions noyées parmi cent cinquante autres plus ou moins anodines. Les réponses serviraient à déterminer si les soldats avaient appris à manier des armes chimiques ou biologiques au combat et si, derrière les lignes ennemies, il existait des abris pour la population civile. Mille cinq cents soldats capturés en Belgique après la bataille des Ardennes avaient été amenés à Namur dans ce but. Les installations destinées aux interrogatoires étant insuffisantes, beaucoup se passaient à lâextérieur. Le bureau de Horn, juste de lâautre côté de la zone de captivité des prisonniers, était meublé de deux caisses dâoranges vides, dâune petite table empruntée à une école primaire proche sur laquelle était posée une pile de questionnaires et des crayons.
Le 23 février 1945, Horn avait déjà interrogé trente-cinq prisonniers lorsquâun gardien du camp amena devant lui le soldat Fritz Hüber de la 2 e  Panzer Division. Maigre et hagard, le visage étroit affublé dâun énorme nez crochu, Hüber portait le même uniforme mal ajusté dans lequel il avait été capturé trois semaines auparavant. Bien quâétant âgé, au regard des normes des armées alliées, Hüber était une recrue tout à fait banale pour la Wehrmacht : les Allemands, après plus de cinq années de guerre ininterrompue, enrôlaient des soldats dès lââge de seize ans et jusquâà soixante ans, affectant ces derniers à des unités de vétérans aguerris pour leur faire creuser des tranchées, transmettre des messages, transporter du matériel sur le dos ou tirer des chariots. La main-dâÅuvre allemande, une ressource comparable au carburant pour leurs tanks, leur faisait à présent défaut.
Hüber, recruté à Nuremberg, avait reçu moins dâun mois de formation avant dâêtre emmené à travers la neige pour combattre en Belgique. Il ignorait tout des armes chimiques ou biologiques. Horn nota rapidement les réponses aux questions posées, devant se contenter de « oui », « non » et « je ne sais pas ».
Lâinterrogatoire terminé, Horn était sur le point de renvoyer le prisonnier, mais, comme le lieutenant le noterait plus tard dans un compte rendu détaillé de lâentretien, il changea soudain dâavis. Voyant le pitoyable soldat Hüber de lâautre côté de la table courbé en deux par le manque de sommeil et souffrant visiblement de rhumatismes à cause du froid humide, Horn lui offrit une cigarette et une tasse de café, et lui demanda sâil nâétait au courant de rien dâautre susceptible dâintéresser le renseignement militaire.
Le visage de Hüber se tordit comme celui dâun écolier qui vient dâéchouer à son examen. Des larmes lui montèrent aux yeux. Il voulait aider, être utile.
Le lieutenant avait déjà observé des réactions de ce type. Il le constatait presque tous les jours parmi les prisonniers qui avaient tout perdu sauf la vie. Des hommes comme Hüber, recrutés dans la rue par la Gestapo, ou sortis brutalement de leurs maisons et forcés à combattre pour la patrie, alors quâils nâétaient ni particulièrement dévoués à leur pays ni des nazis arrogants. Beaucoup dâentre eux avaient déjà perdu des fils, des filles et des femmes à la guerre, ou avaient vu leurs maisons et leurs appartements incendiés. Câétaient des combattants récalcitrants. Une fois livrés à lâennemi, ne possédant plus rien et parqués comme du bétail dans des camps de prisonniers, la plupart nâavaient plus le moindre amour-propre. Et maintenant, tel un ultime affront, ils voyaient et entendaient les interminables vagues de bombardiers au-dessus dâeux, certains que leur situation était parfaitement désespérée. Les nouveaux Messerschmitt tant vantés dâHermann Göring nâétaient nulle part en vue. Si Hitler possédait vraiment une arme secrète capable dâinverser le cours de la guerre, comme lâavait
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