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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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caressant son pendentif avec la main de Fatima, attendant l’heure
où il faudrait qu’elle allaite le petit, seul moment où son époux permettait
qu’elle soit avec lui. Brahim prétendait la tenir à l’écart de tout, même de
son fils.
    Pendant ce temps, à l’autre extrémité du camp d’Abén Aboo,
où arrivaient et d’où partaient les Maures pour se lancer dans des escarmouches
contre les troupes du duc de Sesa, Hernando tentait de sauver la vie du
chrétien… et la sienne. Durant plusieurs jours, le cavalier resta à moitié
conscient, luttant contre l’infection. Dans les moments où il s’éveillait et
dont Hernando profitait pour lui donner du bouillon, il se recommandait à
Jésus-Christ et à la Vierge. Une fois, il lui demanda de l’accompagner dans sa
prière, refusant de s’alimenter s’il ne le faisait pas. Hernando céda et pria
tout en s’efforçant de lui faire boire le bouillon, qui s’écoulait dans sa
barbe. Une autre fois, plus lucide, le cavalier plongea son regard dans les
yeux bleus d’Hernando.
    — Ce sont des yeux de chrétien, dit-il, scrutant
ensuite son allure déguenillée. Libère-moi. Je te récompenserai.
    Où irait-il ? songea Hernando en observant l’ombre de
l’Arabe qui montait la garde en permanence devant la tente.
    — Comment t’appelles-tu ? se contenta-t-il de
répondre.
    Le noble fixa de nouveau les yeux bleus d’Hernando.
    — Je ne ferai pas porter à ma famille le déshonneur de
mourir dans la tente d’un corsaire renégat, ni ne donnerai à mon prince le
souci de ma captivité.
    — Si tu ne dis pas qui tu es, ils ne pourront pas te
délivrer.
    — Si je survis, ce sera différent. Je suis conscient de
valoir beaucoup d’argent. Mais si je meurs ici, je préfère que les miens
l’ignorent.
    Hernando lut l’inscription gravée sur un côté de la lame
plate et hexagonale de la longue et lourde épée bâtarde à six faces du noble,
pendue à l’entrée de la tente à côté de l’épée d’Hamid, où jour et nuit un
soldat montait la garde. Depuis que Barrax avait ramené le chrétien blessé, il
avait été contraint de dormir dans la tente du corsaire, au chevet du cavalier.
La première nuit, le corsaire l’avait surpris alors qu’il regardait l’épée à la
dérobée, dans un coin de la tente. Barrax s’était alors dirigé vers l’arme,
l’avait prise et accrochée au poteau en bois de l’entrée, à côté de l’épée du
cavalier. L’Arabe de garde l’avait observé sans dire un mot.
    — Si tu veux mourir, avait-il alors lancé à Hernando,
tu n’as qu’à empoigner l’une des deux.
    Depuis lors, chaque fois qu’il entrait dans la tente, Barrax
jetait un coup d’œil au poteau contre lequel dormait l’Arabe de garde, appuyé
sur les armes.
    « Ne me dégaine pas sans raison, ni ne m’utilise sans
honneur », annonçait l’épée du noble. Hernando examina le visage du
cavalier qui dormait à ce moment-là. Quelle raison avaient les Espagnols de
dégainer leurs armes ? Ils avaient bafoué le traité de paix souscrit par
leurs rois lors de la reddition de Grenade. Eux, les Maures, étaient aussi des
sujets du roi chrétien. Ils l’avaient été pendant des années, payant chaque
fois davantage de dîmes aux seigneurs chrétiens ; raillés et détestés, ils
s’étaient employés à travailler en paix, pour leurs familles, des terres rudes
et ingrates qui étaient les leurs depuis des temps immémoriaux. Simplement, ils
étaient musulmans. La reine Isabelle et le roi Fernando le savaient bien le
jour où ils leur avaient promis la paix ! Quelle était cette paix dont ils
prétendaient jouir ? Avec le soulèvement, les terres du Roi Prudent
s’étaient retrouvées inondées d’esclaves maures, que les marchands négociaient
à bas prix dans toute l’Espagne. Des milliers de personnes, sujettes du roi en
personne, baptisées de force, avaient été réduites en esclavage. Du roi en
personne ! On disait qu’aux Indes, sous l’empire de ce monarque, ses
habitants, également baptisés de force, ne pouvaient être réduits en esclavage.
Alors, pour quelle raison pouvaient-ils l’être, eux ? Pourquoi l’Église ne
défendait-elle pas de la même façon ces deux peuples, serfs du même roi ?
On racontait que les habitants des Indes mangeaient de la chair humaine,
adoraient des idoles et suivaient des chamanes, et cependant les rois leur
avaient épargné l’esclavage. À l’inverse, les

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