Les révoltés de Cordoue
musulmans croyaient comme les
chrétiens au dieu d’Abraham, ne mangeaient pas de chair humaine, n’adoraient
pas d’idoles et, alors qu’ils avaient été baptisés et contraints de vivre dans
la même foi… ils pouvaient devenir esclaves !
Lui aussi était un esclave. Et à présent parce qu’il était
chrétien ! Quelle était cette folie ? Pour les uns il n’était qu’un
Maure à exécuter avec tous ceux qui avaient plus de douze ans ; pour les
autres, un chrétien qui serait galérien à vie sur un bateau corsaire… s’il
n’était pas tué avant. Et s’il se convertissait à la religion musulmane –
la sienne ! –, il deviendrait alors le mignon d’un renégat. Lui qui
était né musulman ! Le sang chrétien qui coulait dans ses veines pesait-il
plus qu’il ne le croyait ? Ce cavalier serait racheté pour une poignée de
pièces d’or qui enrichiraient le renégat. Le corsaire rentrerait riche à Alger,
et le chrétien retrouverait ses terres, où il reprendrait le combat contre les
Maures, pour continuer à en faire des esclaves.
21.
ÉDIT
EN FAVEUR DE CEUX QUI SE RENDENT
Le roi, mon seigneur,
ayant compris que la plupart des Maures du royaume de Grenade qui se sont
rebellés l’ont fait non de leur propre chef mais contraints et forcés, abusés
et poussés par certains responsables et meneurs, chefs de file, qui sont venus
vers eux et continuent à le faire ; lesquels, pour leurs propres intérêts,
afin de jouir et de profiter des biens des gens simples du peuple, et non pour
apporter à ces derniers un quelconque bénéfice, ont réussi à les faire se
soulever ; et ayant lancé à leur poursuite un grand nombre de soldats pour
les châtier, comme le méritaient leurs fautes et délits, reprenant les lieux
qu’ils avaient sur la rivière Almanzora, la montagne de Filabres et dans les
Alpujarras, avec mort et captivité pour beaucoup d’entre eux, et les obligeant,
comme ce fut le cas, à errer, égarés, dans les montagnes, à vivre comme des
bêtes sauvages dans des cavernes et des grottes, dans les forêts, souffrant de
tout ; pour ces raisons, prenant pitié d’eux, vertu très propre à sa
royale condition, et désireux d’user à leur égard de clémence, se rappelant
qu’ils sont ses sujets et vassaux, et ému d’apprendre les violences, les viols
de femmes, l’effusion de sang, les pillages et autres grands maux que les
soldats leur font subir, sans aucune excuse, il nous a conféré le pouvoir, en
son nom, de leur témoigner sa royale clémence, et de les admettre sous son
royal commandement de la façon suivante :
Il promet à tous
les Maures qui seraient rebelles hors de l’obédience et de la grâce de Sa
Majesté, les hommes comme les femmes, quels que soient leur qualité, leur grade
et leur condition, qui dans les vingt jours à compter de la date de cet édit
viendraient se rendre ou remettre leurs personnes aux mains de Sa Majesté, et
du seigneur don Juan d’Autriche en son nom, de laisser la vie sauve et
d’écouter ceux qui voudraient ensuite témoigner des violences et des
oppressions qu’ils ont subies pour se soulever, et de leur rendre
justice ; et de faire preuve à leur égard, pour le reste, de sa clémence
habituelle, avec eux comme avec ceux qui, au lieu de se livrer, rendraient un
service particulier, comme égorger ou ramener des prisonniers turcs ou arabes
qui soutiennent les rebelles, et d’autres Maures naturels du royaume devenus
commandants ou chefs de la révolte et qui, obstinés à la poursuivre, ne veulent
pas jouir de la grâce et de la pitié que Sa Majesté leur accorde.
En outre :
tous ceux qui, âgés de plus de quinze ans et de moins de cinquante, viendraient
au cours de ce délai rendre et remettre au pouvoir des ministres de Sa Majesté
une escopette ou une arbalète et tout l’équipement qui va avec, auront la vie
sauve, ne pourront pas être pris comme esclaves, et pourront en plus désigner
deux personnes de leur choix, père, mère, enfants, femme, frères, qui seront libres
également ; ces derniers ne pourront pas être esclaves, mais recouvreront
leur liberté première et leur libre arbitre, avec la sommation que parmi ceux
qui ne voudraient pas profiter de cette grâce et de cette mansuétude, aucun
homme de plus de quatorze ans ne sera admis nulle part ; au contraire,
tous subiront la rigueur de la mort, et il ne leur sera accordé ni pitié ni
miséricorde.
L’édit dicté par
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