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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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d’une Mauresque
fugitive, et qu’on fasse le rapprochement entre Brahim et toi. » Il aurait
tant aimé que sa mère soit avec lui ce jour-là !
    Hamid s’écarta doucement et, prenant Hernando par les
épaules, il l’obligea à se tourner vers l’endroit où venait d’apparaître
Fatima. Elle était vêtue d’une tunique en lin blanc prêtée, qui contrastait
avec sa peau brune, l’éclat de ses immenses yeux noirs et sa longue chevelure
ténébreuse et bouclée que les femmes avaient ornée de toutes petites fleurs de
différentes couleurs. L’épouse de Karim lui avait offert un fin voile blanc qui
couvrait ses beaux cheveux. Fatima, du haut de ses dix-sept ans,
resplendissait. À la naissance de son cou, où Hernando pouvait percevoir les
palpitations du cœur de la jeune fille, le bijou en or interdit étincelait.
    Il lui tendit la main qu’elle saisit avec force, cette force
qu’elle avait démontrée jusqu’alors. C’est ce qu’Hernando comprit, et il serra
sa main à son tour. Ils se regardèrent droit dans les yeux, sans ciller.
Personne ne les dérangea ; personne n’osa même bouger. Il faillit lui dire
qu’il l’aimait, mais Fatima l’en empêcha d’un geste quasi imperceptible, comme
si elle avait voulu prolonger ce moment et se délecter de la victoire. Combien
leur avait-elle coûté ! En un instant, tous deux se souvinrent
simultanément de leurs souffrances : le mariage forcé, Fatima livrée à
Brahim…
    — Je t’aime, déclara Hernando, qui devinait les pensées
de sa future épouse.
    Fatima se mordit les lèvres. Elle aussi devinait à quoi il
pensait. Hernando avait subi l’esclavage par amour pour elle !
    — Moi aussi, je t’aime, Ibn Hamid.
    Ils se sourirent, et l’épouse de Karim en profita pour les
presser. Il ne fallait pas perdre de temps.
    Hamid fit les exhortations. Il avait vieilli : à
plusieurs reprises sa voix trembla et il dut se racler la gorge pour recouvrer
son timbre. Fatima perdit un peu de sa superbe et de sa sérénité quand elle vit
le rustique anneau en fer. Les mains tremblantes, elle chercha le bon doigt et
esquissa un sourire nerveux. Il n’y eut ni fête ni danses, ni même de
banquet ; ils se contentèrent de murmurer des prières en direction de la
qibla, puis les jeunes mariés quittèrent la calle de los Moriscos comme un
couple ordinaire. Fatima avait ôté les fleurs de ses cheveux et remplacé sa
tunique blanche par ses vêtements habituels. Elle avait juste gardé son voile
sur la tête, et un minuscule baluchon à la main. Le grand coffre ne serait pas
rempli de sitôt, songea Hernando.
    Ils cachèrent la main de Fatima à l’intérieur du Coran,
lui-même dissimulé à son tour dans le voile de lin blanc que Fatima plia
délicatement. Pour respecter la tradition, ils introduisirent sous le matelas
un petit pain aux amandes. Puis, pour la énième fois, la jeune fille parcourut
les deux pièces, les yeux écarquillés, imaginant son avenir dans cette maison.
Elle finit par s’arrêter, tournant le dos à Hernando, face à la cuvette sur
laquelle elle fit doucement glisser le bout de ses doigts, et elle effleura la
surface de l’eau pure. Alors elle demanda à son époux de la laisser seule
jusqu’à la tombée du jour.
    — Je voudrais me préparer pour toi.
    Hernando ne réussit pas à voir son visage, mais le ton de sa
voix, sensuel, lui dit tout ce qu’il désirait entendre.
    Masquant son anxiété, il obéit et descendit aux box qui, le
dimanche, étaient déserts ; seul un valet d’écurie flemmardait dans le
patio extérieur. Il se promena le long des box, tapotant distraitement la
croupe des poulains. Comment Fatima se préparerait-elle pour lui ? Elle
n’avait plus la tunique blanche ouverte sur les côtés avec laquelle elle
l’avait accueilli lors de leur première nuit d’amour, à Ugíjar. Il n’y avait
rien dans le baluchon ! Il frissonna au souvenir de ses seins durs et
gonflés qu’on devinait à contre-jour, saillants, provocateurs, à travers les
ouvertures, ondulant tandis qu’elle le servait, qu’elle s’occupait de lui…
    Il n’eut pas le temps d’esquiver le coup. Un des poulains
sauvages récemment arrivés des pâturages rua à son passage et l’atteignit au
mollet. Hernando sentit une vive douleur et porta les mains à sa jambe ;
heureusement, l’animal n’avait pas encore été ferré et la douleur s’estompa
vite. Imbécile ! marmonna Hernando, se reprochant sa

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