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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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et sentiments ; elle les
avait examinés et avait vu en eux son reflet : obéissance et soumission.
    Le nouveau palais que le grand corsaire avait ordonné de
bâtir s’élevait dans la calle Al-Metamar, au-dessus des grottes calcaires
souterraines, immenses et inextricables, du mont Dersa, sur lequel la ville de
Tétouan était située. C’étaient ces grottes qui servaient de cachots à des milliers
de détenus chrétiens. La journée, quand elle sortait faire des courses en
compagnie des esclaves, et qu’elle se dirigeait vers l’une des trois portes de
la ville où se postaient les paysans avec leurs produits des champs qui
s’étendaient extra-muros, Fatima voyait les captifs travailler sous le fouet,
pieds nus, enchaînés aux chevilles et vêtus d’une simple blouse en laine. Près
de quatre mille chrétiens au service permanent de la ville.
    Entourée
d’esclaves et de prisonniers, elle avait vite compris qu’elle ne trouverait pas
davantage de réconfort lors de ses promenades. Tétouan avait suivi le modèle
des villages d’Al-Andalus, mais sans aucune influence chrétienne. Les maisons
semblaient être l’exemple même de l’inviolabilité du foyer familial, fermées aux
rues, sans fenêtres, balcons ni ouvertures. Le système héréditaire régnant
imposait aux bâtiments divisions et subdivisions jusqu’à un tracé
chaotique : les rues n’étaient que la projection extérieure de la
propriété privée, raison pour laquelle leur espace était anarchiquement occupé
par des tentes, tout type d’activité et d’édification. Certaines constructions
surplombaient les rues au moyen de tinaos [12] , d’autres
les coupaient ou les interrompaient par des extensions inopportunes, convenues
entre voisins, généralement de la même famille, sans l’intervention des
autorités.
    Dans son luxueux palais, Fatima était une simple esclave,
mais il n’existait pas non plus d’endroit au-dehors, dans le bastion corsaire,
qui aurait pu lui permettre d’échapper à sa fatale condition, même
spirituellement, même quelques instants. Dieu paraissait l’avoir oubliée. Sur
les places seulement, où confluaient trois rues et parfois plus, elle trouvait,
à défaut d’un calme mental, un peu de distraction au spectacle des
saltimbanques qui chantaient, récitaient des légendes au rythme du luth, ou
vendaient de petits papiers sur lesquels d’étranges lettres étaient écrites,
promettant la guérison de tous les maux. Elle aimait aussi les charmeurs de serpents
qui, en échange de quelques pièces de monnaie mendiées auprès du public,
portaient des reptiles autour de leur cou ou dans leurs mains, tout en faisant
danser des singes ridicules. Certaines fois, elle leur avait donné de l’argent.
Mais la nuit, lorsqu’elle sentait le moignon de Brahim entre ses seins, elle
entendait avec une netteté terrible les pleurs et les plaintes des milliers de
chrétiens qui dormaient sous le palais, se faufilant à l’extérieur par les
trous qui servaient de ventilation aux cachots souterrains, sous une grande
partie de la médina. « Un jour, je serai libre », pensait-elle alors.
« Un jour, nous serons de nouveau ensemble, Ibn Hamid. »

 
49.
    Hernando céda finalement à l’insistance de don Sancho et se
rendit à la maison de los Tiros, où les Granada Venegas tenaient leurs réunions
entre amis. Un jour du mois de juin, en fin d’après-midi, les deux cavaliers
sur leurs montures descendirent de l’Albaicín jusqu’au Realejo, l’ancien
quartier juif dont s’étaient emparés les Rois Catholiques après la prise de
Grenade et l’expulsion de leurs habitants, qui s’étendait sur la rive gauche du
Darro, sous l’Alhambra. La maison de los Tiros était située en face du couvent
des franciscains et de leur église, près d’une autre série de palais et de maisons
nobles construits sur les terrains du quartier juif en ruines.
    Tout au long du trajet, Hernando n’écouta pas une seconde la
conversation que lui servait l’hidalgo ravi. Au cours des jours précédents, il
avait essayé de tenir sa promesse faite au notaire du conseil de la cathédrale
et de rédiger un rapport sur les événements survenus à Juviles pendant le
soulèvement. Non seulement il n’avait pas trouvé de mots pour excuser les
crimes monstrueux de ses frères, mais dès qu’il s’efforçait de se concentrer,
ses pensées volaient vers Isabel et se mélangeaient aux souvenirs du jour où sa
mère avait

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