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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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l’observa : l’uléma semblait lire dans ses
pensées les plus secrètes.
    — Il est le plus fort… même avec une main en moins.
    — Tu es le plus intelligent. Utilise ton intelligence.
    Tous deux se regardèrent pendant un long moment. Hernando
voulut parler, lui demander pourquoi il l’avait protégé. Il hésita. Hamid
demeurait immobile.
    — Nos usages stipulent que le juge n’agit jamais de
façon injuste, dit finalement l’uléma. S’il altère la vérité, c’est pour se
rendre utile. Et je suis convaincu d’avoir été utile à notre peuple. Pense à
cela. J’ai confiance en toi, Ibn Hamid, lui murmura-t-il alors. Tu avais tes
raisons.
    Le garçon tenta de parler, mais l’uléma le lui interdit.
    — Bien, ajouta-t-il soudain, j’ai beaucoup à faire, et
tous ces enfants ont besoin d’apprendre le Coran. Il faut rattraper de
nombreuses années perdues.
    Il se tourna vers le groupe de petits, qui montraient déjà
des signes d’impatience, et leur demanda à voix haute :
    — Qui parmi vous connaît la première sourate, al-Fatiha ? demanda-t-il, tandis qu’il effectuait, en boitant, les pas qui le
séparaient d’eux.
    Ils furent un certain nombre à lever la main. Hamid désigna
l’un des plus grands et lui fit signe de réciter. Le garçon se leva.
    —  Bismillah ar-Rahman ar-Rahim, « Au nom de
Dieu, le Clément, le Miséricordieux… ».
    — Non, non, l’interrompit Hamid. Plus lentement, avec…
    Le garçon recommença, nerveux.
    —  Bismillah…
    —  Non, non, non, l’interrompit de nouveau,
patiemment, l’uléma. Écoutez. Ibn Hamid, récite-nous la première sourate.
    Il susurra le mot « récite-nous ».
    Hernando obéit et entonna la prière en se balançant
doucement :
    —  Bismillah…
    Le garçon termina la sourate et Hamid demeura silencieux un moment,
mains ouvertes et doigts repliés qu’il tournait en rythme, posément, de chaque
côté de sa tête, près de ses oreilles, comme si cette prière avait été
musicale. Aucun des enfants ne fut capable de détourner le regard de ces mains
sèches qui semblaient caresser l’air.
    — Vous savez que l’arabe, leur expliqua-t-il ensuite,
est la langue de tout le monde musulman, ce qui nous unit, quels que soient
notre origine ou l’endroit où nous vivons. À travers le Coran, l’arabe a
atteint la condition de langue divine, sacrée et sublime. Vous devez apprendre
à réciter en rythme ces sourates afin qu’elles résonnent à vos oreilles et aux
oreilles de ceux qui vous écoutent. Je veux que les chrétiens là-dedans –
il désigna l’église – entendent de votre bouche cette musique céleste et
soient convaincus qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu, ni d’autre Prophète
que Mahomet. Apprends-leur, conclut-il en s’adressant à Hernando.
    Au cours des deux jours suivants, Hernando n’eut pas
l’occasion de reparler avec Hamid. Il remplissait ses devoirs à l’égard des
mules, attendant les ordres de Brahim, se chargeait des rares travaux
saisonniers dans les champs et consacrait le reste de son temps à enseigner aux
enfants.
     
    Le 30 décembre, Farax passa par Juviles à la tête d’une
bande de monfíes et, avant de repartir, il ordonna l’exécution immédiate des
chrétiens détenus dans l’église.
    Farax le teinturier, nommé grand alguazil par Abén Humeya,
ne s’employa pas seulement, ainsi que le lui avait ordonné le roi, à récolter
le butin saisi aux chrétiens, il décréta la mort de tous ceux, âgés de plus de
dix ans, qui n’avaient pas encore été exécutés, précisant que leurs cadavres ne
devraient pas être enterrés mais abandonnés pour servir de nourriture à la
vermine. Il commanda aussi qu’aucun Maure, au risque de sa vie, ne cache ou ne
donne asile à un chrétien.
    Hernando et ses élèves improvisés virent les chrétiens de
Juviles quitter l’église, nus, claudiquant, malades pour beaucoup d’entre eux,
les mains attachées dans le dos, en direction d’un champ voisin. Traînant les
pieds près du curé et du bénéficier, Andrés, le sacristain, tourna le visage
vers Hernando, assis sur le plus gros morceau de la cloche. Le jeune garçon
soutint son regard jusqu’au moment où un Maure poussa violemment l’homme avec
la crosse d’une arquebuse. Hernando sentit en partie le coup dans son propre
dos. « Ce n’est pas une mauvaise personne », songea-t-il. Il s’était
toujours bien comporté avec lui. Les villageois se

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