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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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par les
gémissements surgissant des cellules tout autour. Hernando tendit l’oreille.
L’une de ces plaintes provenait-elle de sa mère ? Le gardien lui céda le
passage devant une cellule à l’extrémité du patio. Hernando franchit une porte
encastrée dans des murs solides et larges. Non. De cette geôle putride et
infecte aucun son n’émanait.
    — Mère !
    Il s’agenouilla par terre près d’une masse immobile. Les
mains tremblantes, il tâta parmi les habits qui couvraient Aisha pour chercher
son visage. Il eut du mal à reconnaître celle qui lui avait donné la vie.
Consumée, la peau de son cou et de ses joues pendait ; ses orbites étaient
enfoncées et violacées, ses lèvres sèches, fendues. Ses cheveux n’étaient plus
qu’une tignasse sale et emmêlée.
    — Que lui avez-vous fait ? marmonna-t-il en
s’adressant au gardien.
    L’homme ne répondit pas et resta figé sur le large seuil de
la porte.
    — C’est juste une vieille femme…
    Le geôlier s’agita et fronça les sourcils en direction
d’Hernando.
    — Mère, répéta ce dernier, saisissant entre ses mains
le visage d’Aisha et l’approchant de ses lèvres pour l’embrasser.
    Aisha ne réagit pas à ses baisers. Son regard était éteint.
Un moment, Hernando crut qu’elle était morte. Il la secoua tout doucement.
    — Elle est folle, affirma alors le gardien. Elle ne
veut pas manger et boit à peine. Elle ne parle pas, ne se plaint pas. Elle
reste comme ça toute la journée.
    — Que lui avez-vous fait ? questionna de nouveau
Hernando, la voix brisée, s’efforçant naïvement de nettoyer une petite tache de
terre sur le front d’Aisha.
    — On ne lui a rien fait.
    Hernando tourna les yeux vers le gardien.
    — C’est vrai, assura l’homme en écartant les mains. Le
tribunal estime suffisante la déclaration de l’alguazil pour la condamner. Je
t’ai dit qu’elle ne parlait pas. Ils n’ont pas voulu la torturer. Elle n’aurait
pas résisté.
    Hernando tenta une fois de plus, en vain, de faire réagir
Aisha.
    — Personne ne serait surpris si elle mourait… cette
nuit…
    Hernando demeura immobile, tournant le dos à l’homme, sa
mère entre les bras, inerte. Que voulait-il dire ?
    — Elle pourrait mourir, répéta l’homme depuis la porte.
Le médecin a déjà prévenu le tribunal. Personne ne s’en préoccuperait. Personne
ne viendrait vérifier. Je m’en chargerais moi-même et je l’enterrerais…
    Voilà pourquoi il l’avait laissé voir Aisha !
    — Combien ? l’interrompit Hernando.
    — Cinquante ducats.
    Cinquante ? Il avait failli lui en proposer cinq !
Il se mordit la langue. Allait-il marchander la vie de sa mère ?
    — Je ne les ai pas, dit-il.
    — Dans ce cas…
    Le geôlier fit demi-tour.
    — Mais j’ai un cheval, murmura Hernando en regardant
les yeux inexpressifs d’Aisha.
    — Je ne t’entends pas. Qu’as-tu dit ?
    — J’ai un bon cheval, dit Hernando en se forçant à
parler plus fort. Marqué au fer des écuries royales. Il vaut bien plus que
cinquante ducats.
    Ils prirent rendez-vous pour le soir même. Hernando
échangerait Volador contre Aisha. Que lui importait l’argent ? Il
s’agissait, simplement, d’un animal… peut-être sa seule chance de pouvoir enterrer
sa mère et qu’elle meure dans ses bras. Dieu lui permettrait d’ouvrir les yeux
à ce dernier instant, et il serait là. Il devait être à ses côtés ! Aisha
ne pouvait mourir sans qu’ils se soient réconciliés.
     
    Miguel était assis par terre près de Volador, et il
regardait le cheval brouter une botte d’herbe qu’il avait placée dans sa
mangeoire.
    — Je suis désolé, dit Hernando qui s’accroupit pour lui
ébouriffer les cheveux. Cette nuit je vais devoir vendre le cheval.
    Pourquoi s’excusait-il ? songea-t-il aussitôt. C’était
juste un enfant qui…
    — Non, répondit Miguel en interrompant ses pensées,
sans même se tourner vers lui.
    — Comment non ?
    Il ne savait pas s’il devait sourire ou se fâcher. Miguel regarda
alors Hernando qui s’était relevé et se tenait près du cheval.
    — Seigneur, j’ai eu des chiens, des chats, des oiseaux
et même un singe. Je pressens toujours quand c’est la dernière fois que je les
vois. Vous ne vendrez pas Volador, affirma-t-il avec sérieux. Je le sais.
    Hernando baissa le regard vers les jambes brisées du garçon,
allongées sur la paille.
    — Je ne discuterai pas de cela avec toi.

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