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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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sais ce que mérite ma mère, Miguel, l’interrompit
froidement Hernando.
    Il n’aurait pu exécuter son plan s’il avait payé des
obsèques chrétiennes et qu’Aisha avait été enterrée au cimetière de la
paroisse. Dans les fosses communes du campo de la Merced, où la vigilance était
inexistante, il n’y aurait pas de problème. Qui surveillerait des cadavres
auxquels leur famille n’était pas disposée à offrir un bel enterrement ?
    — Retourne à la maison, ordonna-t-il à Miguel une fois
qu’ils eurent regardé les fossoyeurs jeter, sans le moindre respect, le cadavre
dans la fosse.
    — Et vous, qu’allez-vous faire, seigneur ?
    — Va, je te dis.
    Hernando partit à la recherche d’Abbas, après qui il demanda
aux écuries royales. On le laissa entrer et il se rendit directement dans la
forge. Il trouva le maréchal-ferrant vieilli depuis la dernière fois où ils
s’étaient parlé, quand la communauté avait refusé ses dons d’argent. Abbas
constata lui aussi que l’aspect physique du nazaréen avait accusé le coup.
    — Je doute que quiconque accepte de t’aider,
grommela-t-il, après qu’Hernando lui eut expliqué la raison de sa visite.
    — Si, si c’est toi qui l’exiges. Je paierai bien.
    — L’argent ! C’est tout ce qui t’intéresse !
    Abbas le regarda avec mépris.
    — Tu te trompes, mais je n’ai pas l’intention d’en
discuter avec toi. Ma mère était une bonne musulmane, tu le sais. Fais-le pour
elle. Si tu refuses, je serai obligé de recourir à des ivrognes chrétiens d’El
Potro, et alors nous courrons tous le risque qu’on découvre comment nous
enterrons nos morts et que l’Inquisition s’en mêle. Tu peux être sûr que les
curés seraient capables de déterrer tout le cimetière.
    Cette nuit-là, deux jeunes garçons costauds et une vieille
femme maures l’accompagnèrent. Aucun d’eux n’accepta son argent, et ils ne lui
adressèrent pas la parole. Ils quittèrent la ville en direction du campo de la
Merced par une petite porte abandonnée dans les remparts. À la lumière de la
lune, dans le cimetière désert, les deux jeunes exhumèrent le cadavre d’Aisha à
l’endroit indiqué par Hernando, et ils le confièrent à la vieille femme tandis
qu’ils se mettaient à creuser un long trou étroit dans la terre vierge, haut
d’environ la moitié d’un homme.
    La vieille Mauresque avait l’habitude : elle déshabilla
le corps et le lava, puis le frotta avec des feuilles de vigne détrempées.
    — Seigneur ! Pardonnez-lui et ayez pitié d’elle,
murmurait-elle sans relâche.
    — Amen, répondait Hernando de dos à la femme, les yeux
remplis de larmes, tournés vers une Cordoue plongée dans l’obscurité.
    La loi interdisait de regarder un cadavre non lavé, et il
n’aurait pas osé la transgresser.
    — Seigneur Dieu ! pardonnez-moi d’avoir touché le
cadavre, pria la vieille Arabe après avoir terminé la purification. Tu as les
tissus ? demanda-t-elle à Hernando.
    Sans se retourner, il lui remit plusieurs morceaux de lin
blanc dans lesquels elle enveloppa le corps minuscule d’Aisha. Les jeunes
garçons, une fois le trou creusé, voulurent prendre le cadavre pour l’enterrer,
mais Hernando les en empêcha.
    — Et la prière pour le défunt ? dit-il.
    — Quelle prière ? interrogea l’un d’eux.
    Ils avaient peut-être vingt ans, pensa alors Hernando. Ils
étaient nés à Cordoue. Tous ces jeunes négligeaient l’étude, la connaissance du
Livre révélé ou les prières, qu’ils remplaçaient, simplement, par une haine
aveugle envers les chrétiens, suffisante pour tranquilliser leurs âmes.
Probablement, à peine savaient-ils la profession de foi, se lamenta-t-il.
    — Laissez le corps près de la fosse et, si vous voulez,
vous pouvez partir.
    Alors, à la lumière de la lune, il leva les bras et commença
la longue prière du défunt : « Dieu est très grand. Loué soit Dieu,
qui donne la vie et la mort. Loué soit Dieu, qui ressuscite les morts. À Lui la
grandeur, la splendeur, le commandement… »
    Les jeunes et la vieille femme restèrent immobiles derrière
lui, tandis qu’il invoquait le Tout-Puissant.
    — C’est lui qu’on appelle le nazaréen ? chuchota
l’un d’eux.
    Hernando acheva sa prière. Ils installèrent Aisha dans la fosse,
de côté, en direction de la qibla. Avant de la recouvrir de pierres, puis de
terre afin que rien ne se voie, Hernando introduisit entre les

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