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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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morceaux de lin
la lettre de la mort, à la calligraphie parfaite, tracée l’après-midi même avec
une encre couleur safran, en communion intime avec Allah.
    — Que fais-tu ?
    — Demande à ton uléma, répliqua Hernando, d’un ton
rébarbatif. Vous pouvez partir. Merci.
    Les jeunes et la vieille Mauresque s’en allèrent en grognant
et Hernando resta seul au pied de la tombe. Sa mère avait eu une vie vraiment
douloureuse. Les souvenirs défilèrent à sa mémoire, non de manière chaotique,
mais avec lenteur. Il demeura sur place un bon moment, alternant les larmes et
les sourires nostalgiques. À présent elle reposait en paix, tenta-t-il de se
rassurer avant de retourner en ville.
    En chemin, alors qu’il avait déjà franchi les remparts par
le même trou, il perçut un petit tintement dans son dos, sourd mais familier.
Il s’arrêta au milieu d’une ruelle.
    — Ne te cache pas, dit-il dans la nuit. Viens, Miguel.
    L’enfant ne bougea pas.
    — Je t’ai entendu, insista Hernando. Viens.
    — Seigneur.
    Hernando s’efforça de localiser d’où venait la voix. Elle
avait l’air triste.
    — Quand vous m’avez pris comme serviteur, vous avez dit
que vous aviez besoin de moi pour veiller sur votre mère et sur votre cheval.
Votre mère est morte et le cheval… Je ne peux même pas le brider.
    Hernando sentit un frisson parcourir son corps.
    — Tu crois que je pourrai te jeter hors de chez moi juste
parce que ma mère est morte ?
    Quelques instants passèrent, puis le claquement des
béquilles rompit le silence qui s’était installé après la question. Miguel
avança jusqu’à lui.
    — Non, seigneur, répondit l’infirme. Je ne crois pas
que vous feriez ça.
    — Mon cheval t’apprécie, je le sais, je le vois. Quant
à ma mère…
    La voix d’Hernando se brisa.
    — Vous l’aimiez beaucoup, n’est-ce pas ?
    — Beaucoup, soupira Hernando. Mais pas elle…
    — Elle est morte réconfortée, seigneur, assura Miguel.
En paix. Elle a entendu vos paroles, vous pouvez être tranquille.
    Hernando tenta de distinguer le visage du garçonnet dans la
nuit. Que disait-il ?
    — À quoi fais-tu allusion ? interrogea-t-il.
    — Elle a entendu vos explications et elle a compris que
vous n’aviez pas trahi votre peuple.
    Miguel parlait tête baissée, sans oser lever les yeux du
sol.
    — Comment sais-tu tout cela, toi ?
    — Vous devez me pardonner, dit l’enfant en posant alors
son regard sincère sur Hernando. Je ne suis qu’un mendiant, un miséreux. J’ai
passé toute ma vie à dépendre de ce que je pouvais entendre, dans les rues,
dans un coin…
    Hernando secoua la tête.
    — Mais je suis loyal, s’empressa d’ajouter Miguel.
Jamais je ne vous dénoncerai, jamais je ne causerai de tort à quelqu’un comme
vous, je le jure ! Quand bien même on me briserait les bras.
    Hernando laissa passer quelques instants. Quoi qu’il en
soit, comment cet enfant pouvait-il certifier que sa mère était morte
réconfortée ?
    — Souvent j’ai désiré la mort, dit alors le petit
invalide, comme s’il devinait ses pensées. Souvent je me suis trouvé à ses
portes, dans la rue, malade, méprisé par les gens qui s’écartaient pour ne pas
passer à côté de moi. J’ai vécu dans cet état, et j’ai rencontré ainsi des
dizaines d’âmes comme celle de madame votre mère, toutes aux portes de la
mort ; certaines sont chanceuses et entrent, d’autres, repoussées, doivent
continuer à souffrir. Elle a su. Elle vous a entendu. J’en suis sûr. Je l’ai
senti.
    Hernando demeura silencieux. Il faisait confiance à ce
garçon, il croyait en ses paroles. Ou était-ce seulement son propre désir que
sa mère soit morte en paix ? Il soupira et entoura de son bras les épaules
de l’enfant.
    — Rentrons à la maison, Miguel.
     
    — J’ai vérifié, señora.
    De retour à Tétouan, Efraín dut élever la voix face aux gémissements
incessants et incrédules de Fatima depuis qu’il lui avait rapporté le message
d’Aisha. Le vieux juif, qui l’avait accompagné au palais de Brahim, posa sa
main sur le bras de son fils pour qu’il se calme.
    — J’ai vérifié, répéta Efraín d’une voix plus douce,
devant une Fatima qui faisait les cent pas dans la luxueuse pièce donnant sur
le patio. Quand j’ai eu terminé de parler avec Aisha, le maréchal-ferrant des
écuries royales est venu me voir…
    — Abbas ? s’écria Fatima.
    — Un certain Jerónimo…

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