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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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Dieu d’agir.
     
    Mais Hernando ne se rendit pas à Grenade comme il l’avait
dit. Au lieu de sortir de Cordoue par le pont romain, il le fit par la porte du
Colodro et prit la route d’Albacete vers la côte méditerranéenne, en direction
d’Almansa. De là, il irait vers le nord, jusqu’à Jarafuel. Dès le début,
Estudiante se montra revêche et fuyant. Hernando le laissa faire, supportant
ses dérobades et ses coups de mors alors qu’il chevauchait sur les chemins
autour de Cordoue. Mais un peu plus loin, lorsqu’il eut dépassé le chemin de
las Ventas qui menait à Tolède, il l’éperonna pour l’obliger à se lancer au
galop dans une course frénétique où il s’imposa par la violence. Deux lieues
suffirent. Malgré le froid hivernal, le cheval suait quand il franchit le pont
d’Alcolea ; de la vapeur sortait de ses naseaux mais, surtout, il
obéissait désormais aux éperons. À partir de ce moment-là, ils avancèrent au
pas. Il restait près de soixante lieues jusqu’à Almansa et comme Hernando avait
eu l’occasion de le constater quelques mois plus tôt, après un voyage à Grenade
pour la question du martyrologe, il s’agissait d’un parcours long et pénible.
Le nouvel archevêque, don Pedro de Castro, continuait de lui demander des
rapports, comme l’avait fait son défunt prédécesseur.
    C’était Castillo qui lui avait conseillé de se diriger vers
Jarafuel. Ce village, près de Teresa y Cofrentes, était situé à la frontière
occidentale du royaume de Valence, au nord d’Almensa, dans une vallée fertile
dont les eaux allaient rejoindre la rivière Jucar ; de l’autre côté de la
vallée s’élevait la Muela de Cortes. Tous ces lieux étaient majoritairement
maures.
    — Je n’ai pas de vieux parchemins, s’était-il plaint
lors de son précédent voyage à Grenade, où il s’était réuni avec don Pedro,
Miguel de Luna et Alonso del Castillo dans la Salle dorée, sous les reflets
verts et or du plafond à caissons. Pour le moment j’écris sur du papier
ordinaire, mais…
    — Nous ne devrions pas utiliser de parchemins, avait
alors coupé Luna, qui venait de publier la première partie de sa Véritable
Histoire du roi Rodrigue, déclenchant une vive polémique chez les
intellectuels de toute l’Espagne.
    Malheureusement pour l’écrivain, les opinions les plus
défavorables à la vision arabe positive qu’il proposait dans son œuvre avaient
été en premier lieu soutenues précisément par un Maure, le jésuite Ignacio de
las Casas.
    — Certains intellectuels ont prétendu que le parchemin
de la Turpiana constituait un faux, sous prétexte qu’il n’était pas ancien…
    — Il l’était pourtant, l’interrompit Hernando avec un
sourire. À l’époque d’al-Mansûr, du moins.
    — D’accord, mais pas assez, intervint Castillo. Employons
un autre matériau qui ne soit ni du papier ni du parchemin : de l’or, de
l’argent, du cuivre…
    — Du plomb, proposa don Pedro. C’est facile à obtenir
et on en utilise beaucoup en orfèvrerie.
    — Les Grecs écrivaient déjà sur des lames de plomb,
renchérit Luna. C’est un bon matériau. Personne ne pourra dire si c’est ancien
ou actuel, surtout si on le plonge auparavant dans un bain de fumier, comme
l’avait déjà fait notre ami avec le parchemin de la Turpiana.
    Hernando sourit, à l’instar de ses compagnons.
    — Dans le royaume de Valence, à Jarafuel, dit alors
Castillo, je connais un orfèvre qui, malgré l’interdiction, continue de
travailler en secret des bijoux maures. Je connais également l’uléma du
village. Ils sont tous deux de confiance. Binilit, l’orfèvre, élabore des mains
de Fatima et des médailles avec des lunes et des inscriptions en arabe pour le
baptême des nouveau-nés. Il fabrique aussi des bracelets, des chaînes et des
colliers sur lesquels il cisèle des versets du Coran et de magnifiques gravures
maures, comme ceux que portaient nos femmes avant la conquête chrétienne. Je
suis sûr qu’il serait disposé à transcrire ces écrits sur des lames de plomb.
    — Certains sont en latin, avait alors expliqué
Hernando, mais pour les autres, écrits en arabe, j’ai utilisé des caractères
pointus compliqués, avec une calligraphie inconnue que j’ai inventée moi-même,
en m’inspirant de l’image des pointes de l’étoile du sceau de Salomon : le
symbole de l’unité. J’ai préféré m’écarter de tout style postérieur à la naissance
du

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