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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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son sang
bouillir.
    — Chien !
    Instinctivement, il éperonna le poulain sur le soldat et
sauta à terre pour ramasser les bouts de papier, mais l’autre soldat le menaça
de son épée.
    — En garde ! le défia-t-il.
    Hernando hésita. Le premier s’était déjà rétabli et avait
rejoint l’autre, l’épée dégainée. Le poulain tirait sur ses rênes, excité.
Hernando comprit qu’il n’avait aucune chance.
    — Je… voulais juste… ramasser les morceaux…
    — Je t’ai dit que ça ne servait à rien. Tu ne peux pas
quitter Cordoue.
    Le soldat foula aux pieds les bouts de papier.
    — Retourne chez toi, lui ordonna son compagnon en
faisant demi-tour.
    Hernando rentra chez lui à pied, tirant son cheval par la
bride. Aux portes des écuries, toujours ouvertes, l’attendait Miguel, qui avait
assisté à toute la scène.
     
    Il tenta en vain de communiquer par lettre avec Grenade. Les
muletiers, du moins la plupart d’entre eux, valenciens, avaient été expulsés,
comme ceux de Castille, de la Manche et d’Estrémadure. Ceux des autres royaumes
n’avaient pas le droit d’emprunter ces routes.
    — Ils me fouillent dès que je sors de la maison, lui
avoua Miguel, indigné et contrit. Et ils suivent Rafaela de près à tout moment.
C’est impossible…
    — Pourquoi n’essaient-ils pas, eux, de prendre contact
avec moi ? se plaignit Hernando à voix haute, sur un ton désespéré. Ils
doivent bien savoir que ma demande a été rejetée.
    — Personne ne peut approcher de cette maison sans être
au préalable contrôlé par les hommes du magistrat, lui répondit Miguel,
s’efforçant de le calmer. Ils ont peut-être essayé, mais ils ont échoué.
    D’un autre côté, Hernando était conscient que ni don Pedro
ni aucun des traducteurs ne se risquerait à venir en personne. L’année
précédente un livre avait été publié, Antiquité et excellences de Grenade, qui
exaltait la lignée des Granada Venegas, affirmant que ses membres trouvaient
leurs racines chrétiennes chez les Goths. Une des plus importantes familles de
la noblesse musulmane ! Quelle ironie ! Le livre, qui avait réussi à passer
la censure royale, certifiait qu’après la prise de Grenade par les Rois
Catholiques, Jésus-Christ lui-même était apparu au prédécesseur de don Pedro,
Cidiyaya, sous la forme d’une croix miraculeuse dans l’air, qui l’avait appelé
à embrasser la religion de ses ancêtres goths. Les Granada Venegas avaient
alors renié le « Lagaleblila », wa la galib ilallah, nasride,
« Il n’y a d’autre vainqueur que Dieu », qui avait constitué
jusque-là leur devise nobiliaire, et l’avaient troqué contre le très chrétien Servire Deo regnare est. Qui mettrait en doute la pureté du sang d’une
famille qui, comme saint Paul, avait été désignée par la main divine ?
    — Eux, ils sont sauvés, murmura-t-il. Que leur importe
un simple Maure comme moi ?
    Les jours passèrent et bientôt il n’y eut plus d’argent, ni
de provisions dans la réserve : les fermiers ne leur apportaient plus rien
et Rafaela avait des problèmes pour acheter de la nourriture. Personne ne lui
faisait confiance : ni les chrétiens ni les maures. Mais les difficultés quotidiennes,
ses enfants à nourrir, semblaient lui avoir donné la force qui déclinait chez
son époux.
    — Vends les chevaux ! À n’importe quel prix !
ordonna Hernando un jour à Miguel, après avoir entendu Muqla pleurer parce
qu’il avait faim.
    — J’ai essayé, lui répondit l’infirme à sa surprise.
Personne ne veut les acheter. Un marchand de confiance m’a assuré que je
n’arriverais pas à les vendre, même pour une misérable poignée de maravédis. Le
duc de Monterreal l’a interdit. Et personne ne souhaite avoir de problèmes avec
un membre des Vingt-Quatre, grand d’Espagne de surcroît.
    Hernando secoua la tête.
    — Ils reprendront peut-être leur valeur une fois que
tout sera terminé, tenta-t-il de le consoler. Et Rafaela pourra les vendre à
bon prix.
    — Je ne crois pas, s’opposa l’éclopé.
    Hernando fit un geste d’impuissance. Quelles autres
disgrâces pourraient encore survenir ?
    — Seigneur, reprit Miguel, nous ne payons plus la
paille, ni l’orge, ni le maréchal-ferrant, ni le sellier, ni les salaires
journaliers des valets d’écurie ou des écuyers depuis des jours. Les créanciers
vont finir par se jeter sur nous, et une femme seule… Vous l’ignoriez ?
    Hernando

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