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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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froissèrent
au contact du corps de son épouse.
     
    Ainsi l’ordonne don Ponce de Hervas, juge de la Royale
Chancellerie de Grenade, gouverneur de la Salle des hidalgos. Hernando
installa Rafaela dans un fauteuil de la galerie, tamponna d’eau son visage et
l’obligea à boire, mais il ne put attendre qu’elle recouvre totalement ses
esprits pour lire le document. Don Ponce ! L’époux d’Isabel ! Le
magistrat rejetait sa demande ad limine, sans même l’étudier, sans lui
accorder la moindre chance. Nouveau-chrétien public et notoire, disait-il
dans sa conclusion, ainsi qu’il s’est lui-même déclaré à plusieurs reprises
dans des écrits devant l’archevêque de cette ville de Grenade. Sa défense
sournoise des massacres de pieux chrétiens, martyrs des Alpujarras, dans le
village de Juviles, accrédite la thèse de son adhésion à la secte de Mahomet. Il
se souvint de ce premier écrit qu’il avait fait parvenir à l’archevêque de
Grenade et dans lequel il tentait en effet d’excuser les carnages commis par
les monfíes et les Maures des Alpujarras. Pourquoi fallait-il qu’apparaissent
juste à présent tous ceux qu’il pouvait considérer comme ses ennemis. Don Ponce,
Gil Ulloa et l’héritier du duc de Monterreal, élevé par une femme qui le
haïssait. Qui d’autre encore ? La relation des faits et circonstances
sur lesquels le demandeur prétend baser sa qualité d’hidalgo devant cette salle
n’est rien qu’une grossière et maladroite falsification de la réalité qui ne
mérite pas la moindre attention de la part de ce tribunal. La promesse de
don Pedro, Luna et Castillo revint à sa mémoire. « Tout peut se
falsifier ! » lui avaient-ils dit. À quoi bon ? Don Ponce de
Hervas avait obtenu sa vengeance ! Il déchira le document.
    — Cocu de fils de pute ! s’exclama-t-il.
    Puis il s’enfonça dans son fauteuil, abattu. Les années
semblèrent soudain tomber sur lui. À ses côtés, Rafaela étendit le bras et posa
une main sur sa jambe. Le contact l’affecta. Il regarda les doigts de son
épouse, longs et maigres, sa peau abîmée par des années de travail domestique.
Il se tourna vers elle. Elle était pâle. Il demeura immobile, paralysé. Rafaela
s’agenouilla à ses pieds et posa sa tête sur ses genoux. Ils restèrent ainsi un
moment : figés, les yeux fermés, comme s’ils refusaient d’accepter cette
réalité qui les affligeait.
     
    L’ombre de l’expulsion se mit à planer sur la maison. À
partir de ce jour, Hernando fut attentif aux pas de Rafaela, aux conversations
qu’elle avait avec les enfants ; il l’entendait pleurer quand elle était
seule. Une nuit, lorsqu’il voulut la prendre dans ses bras, elle le repoussa.
    — Laisse-moi, je t’en supplie, lui demanda-t-elle dès
qu’il la caressa.
    — Nous devons être plus unis que jamais, Rafaela.
    — Non, par Dieu ! sanglota-t-elle.
    — Mais…
    — Et si je tombe enceinte ? Tu n’y as pas
pensé ? Pourquoi vouloir un autre enfant ? murmura-t-elle avec
amertume. Pour que tu sois expulsé dans quelques mois et que tu
m’abandonnes ?
    Peu après, le visage accablé et vieilli, Hernando décida de
jouer sa dernière carte : il irait à Grenade, parler avec don Pedro et les
autres. Et même avec l’archevêque s’il le fallait.
    Le lendemain matin, il informa de son projet Miguel, qui
s’était installé dans la maison de Cordoue dès qu’il avait su que la
chancellerie rejetait la demande d’Hernando. Toutefois il ne racontait plus
d’histoires, pas même aux enfants qui, devinant qu’un malheur approchait, se
montraient tristes et silencieux. L’infirme ouvrit à son maître, monté sur un
poulain rapide et résistant, les portes des écuries. Hernando était prêt à
galoper jusqu’à Grenade, à faire exploser son cheval si nécessaire. Mais il ne
franchit pas même l’impasse.
    — Et où penses-tu aller ? l’arrêta un des soldats
de Gil.
    — À Grenade, répondit-il du haut de son poulain et
retenant celui-ci. Voir l’archevêque.
    — Avec quelle autorisation ?
    Hernando lui tendit la cédule. L’homme la feuilleta avec
nonchalance. « Tu ne sais pas lire ! » faillit-il crier. Mais il
s’efforça de lui expliquer de quoi il s’agissait.
    — C’est une autorisation de l’archevêque de…
    — C’est inutile, l’interrompit le soldat en déchirant
la cédule en deux.
    — Que fais-tu ?
    C’était sa dernière chance ! Hernando sentit

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