Les révoltés de Cordoue
violemment,
dès son retour, devant la grotte, en présence de Fatima, des enfants et des
Maures qui se trouvaient là, partageant les rares provisions dont ils
disposaient. Hernando vit s’écrouler sa mère et il dégaina son épée.
— C’est mon époux ! l’arrêta Aisha à terre.
Brahim et son fils adoptif se mesurèrent du regard pendant
quelques instants. Finalement le garçon baissa les yeux : cette scène le
renvoyait à son enfance et, malgré lui, il se sentit de nouveau impuissant face
à la haine féroce qui suintait des yeux de son beau-père ; une haine à
laquelle il pouvait laisser libre cours. Le muletier profita de ce moment de
fléchissement pour faire tomber Hernando d’un vigoureux coup de poing ; puis
il se jeta sur lui et continua à le frapper rageusement. Le jeune garçon
n’opposa aucune résistance. Il préférait cela à voir sa mère subir le même
sort.
— Ne t’approche pas de Fatima ! marmonna Brahim,
en sueur à cause de la raclée qu’il venait de lui asséner. Sinon ce sera ta
mère qui prendra ces coups… C’est clair ? Le roi a de l’estime pour toi,
chien nazaréen, mais personne n’osera intervenir dans le traitement qu’un Maure
inflige à sa femme. Je ne veux pas te voir dans ma maison.
Il était exact qu’Abén Humeya, en dépit de ses défauts,
montrait une certaine prédilection pour le jeune muletier. Après l’assaut de
Mecina, le roi s’intéressa au sort d’Hernando. Il l’envoya chercher et se
réjouit de savoir qu’il s’était échappé sain et sauf de Mecina. Il lui sourit
et lui demanda des nouvelles de Fatima. Hernando bafouilla une réponse
inintelligible qu’Abén Humeya prit pour de la timidité. Puis il lui ordonna de
s’occuper des animaux.
— Nous avons besoin de tes connaissances des chevaux,
ajouta le roi. Je t’ai dit que les hommes reviendraient, tu te souviens ?
C’était ce qui se passait. Au cours de ces quinze jours,
Hernando avait pu constater que le nombre de chevaux augmentait. Les Maures
revenaient dans les montagnes auprès de leur roi, et lui juraient fidélité jusqu’à
la mort.
— Le marquis de Mondéjar a été destitué en tant que
commandant général du royaume et il a été rappelé à la cour, lui expliqua un
jour El Gironcillo, alors qu’il ferrait l’alezan, lequel continuait à supporter
le poids de l’énorme monfí et de son arquebuse dont le canon était le plus
large de toutes les Alpujarras.
Hernando, le sabot du cheval posé sur sa cuisse, leva la
tête vers lui.
— Ce sont les greffiers et les avocaillons de la
Chancellerie qui ont gagné, ceux-là mêmes qui ont pris nos terres et se sont
empressés de faire parvenir au roi leurs plaintes à propos du pardon
qu’accordait le marquis à notre peuple. Ils veulent nous exterminer !
D’un geste de la main, Hernando fit signe au Gironcillo de
lui donner le fer à cheval.
— Qui commande à présent les troupes chrétiennes ?
interrogea le garçon avant de donner des coups de marteau sur le clou qui
devait fixer le fer au sabot.
El Gironcillo resta silencieux, observant l’habileté du
garçon.
— Le prince Jean d’Autriche, répondit-il après le dernier
coup, bâtard de l’empereur, demi-frère du roi Philippe II, un jeunet
hautain et prétentieux. Le roi, dit-on, a décrété que le régiment d’infanterie
et les galères de Naples devaient venir en Espagne se mettre aux ordres du
prince, du duc de Sesa et du commandeur majeur de Castille. C’est une affaire
sérieuse.
Hernando lâcha la patte de l’alezan et se redressa face au
monfí ; malgré le froid hivernal, la sueur coulait sur son front.
— Si c’est une affaire si sérieuse, pourquoi les Maures
reviennent-ils dans les montagnes ? Il vaudrait peut-être mieux accepter
la reddition, non ?
Ce fut un bourrelier récemment arrivé dans les montagnes, et
qu’Abén Humeya avait chargé de veiller aux mors, harnais et montures, qui
répondit à cette question. L’homme s’approchait, à l’écoute des explications du
Gironcillo.
— Nous l’avons fait, vociféra-t-il à quelques pas
d’eux.
Tous deux se tournèrent vers lui.
— Certains d’entre nous ont consenti à cette reddition.
Et qu’ont-ils obtenu ? On les a volés. On les a tués, et leurs femmes et
leurs enfants ont été réduits en esclavage. Les chrétiens n’ont pas respecté
les grâces accordées par le marquis de Mondéjar. Mieux vaut mourir pour notre
cause
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