Les révoltés de Cordoue
que trahis, entre les mains de ces canailles.
— Le prince et les nouvelles troupes vont mettre du
temps à arriver à Grenade, intervint El Gironcillo. Pendant cette période, il
n’existe aucune autorité. Mondéjar a été écarté et à Vélez la majeure partie de
l’armée a déserté et ignore encore quel sera son nouveau rôle dans la guerre.
Des milliers de soldats sans commandement sillonnent les Alpujarras, pillant,
harcelant et tuant des gens paisibles. Ils veulent faire de l’argent et rentrer
chez eux avant que Jean d’Autriche ne prenne en charge la situation.
Ce qui, environ quatre mois plus tôt, avait été une
insurrection pour la défense des coutumes, de la justice et du mode de vie
musulman traditionnel, se transformait à présent en une nouvelle rébellion, un
combat pour la vie et la liberté. La reddition et la soumission entraînaient
seulement la mort et l’esclavage. Et les Maures de toutes les Alpujarras,
accompagnés de leurs familles et flanqués de leurs quelques biens, se
présentaient en masse dans la Sierra Nevada, où se trouvait leur roi.
Fatima n’abandonna pas Aisha, malgré la demande expresse de
celle-ci. Brahim l’humiliait au quotidien, la provoquant chaque fois que la
jeune fille était présente, comme s’il avait voulu sans cesse rappeler à cette
dernière qu’elle était la cause de la disgrâce d’Aisha. Aquil, du haut de ses
sept ans, imitait son père et quêtait son approbation, se conduisant avec
violence et mépris envers sa mère. Les deux femmes se réfugièrent l’une auprès
de l’autre : Fatima, se sentant coupable, s’efforçait de consoler Aisha en
silence, se montrait douce avec elle ; et Aisha se comportait avec Fatima
comme si elle avait été une de ses filles mortes à Juviles, essayant de la
persuader, par son affection, qu’elle ne la considérait pas responsable de ses
tourments. Elles évitèrent d’évoquer leur douleur réciproque. Et à chaque
injure, à chaque insulte, la relation qui les unissait se consolidait
davantage.
Lorsqu’il terminait son travail avec les chevaux, Hernando
devenait un spectateur constamment tourmenté. Aisha ne lui permettait pas
d’intervenir face à la violence de Brahim ; il ne pouvait s’approcher de
Fatima, qui de toute façon semblait toujours fâchée après lui. Néanmoins, comme
il ne pouvait renoncer aux deux seules personnes qu’il aimait, il restait à
l’extérieur de la grotte, aux aguets, veillant à ce que son père tienne sa
parole de ne pas maltraiter sa mère, serrant l’épée d’Hamid chaque fois que
Brahim était dans les parages et qu’il entendait les insultes adressées à sa
mère. Fatima ne lui avait pas reparlé ; c’était Aisha qui, sans bruit, lui
apportait la nourriture toutes les nuits.
Et quand dans la montagne on entendait l’appel à la prière,
Hernando s’y consacrait avec dévotion. Une nuit… il invoqua même la Vierge des
chrétiens. Andrés, le sacristain de Juviles, lui avait affirmé le pouvoir de la
Vierge pour intercéder devant Dieu. Alors il se recommanda à elle, se souvenant
également de l’enseignement d’Hamid :
— Nous, les musulmans, nous défendons Maryam, nous
croyons en sa virginité. Oui, avait insisté l’uléma face à l’étonnement de son
élève, c’est ce que disent le Coran et la Sunna. N’écoute pas ceux qui
insultent sa pureté et sa chasteté ; il y en a, beaucoup, qui ont juste
oublié nos enseignements… afin de s’opposer plus encore aux chrétiens,
d’humilier plus encore leurs croyances. Mais ils se trompent : Maryam est
un des quatre modèles parfaits de la femme et elle a mis au monde Isa, qu’ils
appellent, eux, Jésus-Christ, sans perdre sa virginité. C’est ainsi qu’Isa l’a
défendue depuis son berceau. Tel que nous l’enseigne le Coran, Isa, dès sa
naissance, s’est mis à parler et à défendre la virginité de sa mère contre les
insultes de ses proches, incrédules devant son accouchement.
Malgré sa foi aveugle en Hamid, Hernando demeurait réticent,
les yeux mi-clos. Comment pouvaient-ils, eux, les Maures, défendre la mère du
dieu chrétien ?
— Pense, avait ajouté Hamid pour le convaincre, que
lorsque le Prophète a finalement réussi à conquérir La Mecque, avant d’entrer
triomphalement dans la Kaaba, il a ordonné la destruction des idoles :
Hubal, patron de La Mecque, Wad, Suwaa, Yagut, Yahuq, Nasr et tant d’autres,
ainsi que l’effacement des
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