Les révoltés de Cordoue
courut le même sort. Les aventuriers
rebelles tuaient les hommes, dévalisaient les maisons et empoignaient les
femmes et les enfants pour les vendre comme esclaves.
Dans le jardin d’Abén Aboo, après une fouille infructueuse de
la maison à la recherche d’Abén Humeya, une bande de soldats se réunit.
— Où est Fernando de Válor ? répéta l’un d’eux en
frappant Abén Aboo au visage avec la crosse de son arquebuse.
Les coups se succédèrent mais, malgré eux, le Maure continua
de hocher la tête négativement.
— Tu parleras, maudit hérétique ! marmonna un chef
à la barbe épaisse et aux dents noires. Déshabillez-le et attachez-lui les
mains dans le dos ! ordonna-t-il aux soldats.
Les soldats lui présentèrent bientôt Abén Aboo, nu et mains liées.
Le chef le poussa à coups d’arquebuse jusqu’au mûrier qui se dressait dans le
jardin. Il prit une corde plutôt fine, la lança autour d’une branche et en fit
tomber l’extrémité sur la tête du Maure. Le chef s’approcha de lui, ramassa la
corde et feignit de la lui attacher au cou.
Abén Aboo lui cracha au visage. Le chef, sans accorder
d’importance au crachat, joua avec la corde sur le cou du Maure.
— Tu n’auras pas cette chance, affirma-t-il.
Alors il posa un genou à terre et attacha le bout de la corde
au scrotum d’Abén Aboo, au-dessus de ses testicules. Le Maure réprima un cri de
douleur lorsque le chef serra le nœud.
— Tu vas regretter que je ne l’aie pas attachée à ton
sale gosier, marmonna-t-il en saisissant l’autre bout de la corde.
Le chef tira sur la corde. Le Maure se dressa sur la pointe
des pieds à mesure que la corde se tendait : plus elle le tirait vers le
haut, plus la douleur, intense, envahissait son scrotum. Lorsqu’il s’assura
qu’Abén Aboo ne pouvait plus monter sans perdre l’équilibre, le chef tendit
l’extrémité de la corde à l’un des soldats, qui l’attacha fermement au tronc du
mûrier.
— Tu parleras, chien mahométan. Tu parleras jusqu’à
renier ta secte et ton Prophète, cracha le chef en s’avançant vers lui. Tu
parleras jusqu’à injurier votre Allah, le chien de ton Dieu, merde infinie,
scorie…
Abén Aboo lança un violent coup de pied, de sa jambe droite,
dans les testicules du chef, qui se plia en deux, endolori. Mais le Maure ne
put garder l’équilibre et s’effondra.
Le scrotum se déchira, les testicules éclatèrent et
éclaboussèrent de sang tous ceux qui se trouvaient sous le mûrier. Abén Aboo
resta recroquevillé par terre.
— Tu meurs saigné comme le porc que tu es, bafouilla le
chef, encore brisé de douleur.
— Grâce à Allah, Ibn Umayya vit, même si je meurs,
réussit à dire Abén Aboo.
Après avoir quitté la maison d’Abén Aboo, Brahim, afin
d’oublier le revirement du roi, avait erré dans Mecina en quête de haschisch et
d’une femme bien disposée dans les nombreuses fêtes célébrées en l’honneur des
nouveaux mariés. Il avait trouvé l’un et l’autre. Cependant, lorsqu’il assista
au pillage perpétré par les chrétiens, il pensa que toute cette confusion
pouvait lui offrir l’occasion de se venger d’Hernando et il retourna chez Abén
Aboo, évitant la lumière des torches.
Il arriva juste au moment où les soldats sortaient de la
maison, emportant le butin récolté. Brahim entra et trouva le cousin du roi qui
se vidait de son sang dans le jardin.
— Laisse-moi mourir, l’implora Abén Aboo.
Brahim ne lui obéit pas. Il le porta jusqu’à la maison,
l’installa sur un lit et courut chercher de l’aide.
15.
« Cruelle est la condition de nos ennemis pour
nous faire plier, eux qui sont si offensés. Pressons le pas, et prenons les
devants avec un esprit viril vers une mort honorable, en défendant nos femmes
et nos enfants, et en faisant notre possible pour sauver la vie et l’honneur
que la nature nous oblige à défendre. »
Luis de Mármol, Historia de la rebelión y
castigo de los moriscos del reino de Granada
Hernando et Fatima s’étaient enfuis de Mecina et avaient
couru à travers champ dans la nuit. Ils avaient grimpé dans la montagne. Ils
avaient trébuché et étaient tombés à plusieurs reprises. Lorsque le vacarme des
exactions commises dans le village avait fini par être presque inaudible, alors
seulement ils s’étaient arrêtés pour reprendre haleine.
Hernando s’avança vers Fatima, mais elle l’arrêta.
— La mort est une longue
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